À Ksibet Mediouni, le cancer frappe très fort

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Mort des poissons asphyxiés au niveau de la mer de Ksibet Mediouni.

Pour longtemps, la ville de Ksibet Mediouni, situé à 10 Km de Monastir, a connu des manifestations publiques concernant l’état catastrophique de la mer. Depuis 2006, les citoyens se sont montrés très concernés par l’odeur insupportable émise par la mer, et les plaintes se sont poursuivies jusqu’au aujourd’hui. Les conséquences de cette pollution se sont aggravées suite à l’indifférence des autorités locales et régionales et la ville connait l’un des taux de Cancer de la peau et des poumons (4,3%) les plus élevés en Tunisie et dans le monde. Bien que les raisons de ce fléau environnemental sont bel et bien connues et que la communauté est relativement consciente, les résolutions restent encore floues vu la divergence des propositions de la part des citoyens, experts et activistes dans la société civile.

Causes et Diagnostic Actuel

La principale cause de la pollution de la mer et notamment le littoral, est l’évacuation irrationnelle des eaux usées émises par l’ONAS (Office Nationale de l’Assainissement) qualitativement et quantitativement. Ksibet Mediouni se trouve dans la baie de Monastir, où la mer est qualifiée par « MORTE » en raison des mouvements peu agités des vagues. La profondeur est de 0,5 m environ sur la plage et cette profondeur s’étale sur plusieurs kilomètres dans toutes les directions.

Donc, de principe et pour des raisons géologiques, l’eau est souvent calme dans la mer de Ksibet Mediouni. Mais la station d’épuration actuelle des eaux usées, demeure le chainon le plus important qui a contribué d’une façon phénoménale à l’instauration de cette pollution. En effet, les quantités reçues par cette station excèdent de 300% la capacité d’assainissement de la station. Devant cette réalité, le traitement ne se fait logiquement que sur une petite quantité. La majorité des eaux usées en provenance des toilettes, n’est pas sujet d’un traitement convenable qui élimine ou tue les micro-organismes pathogènes, et il y aura rejet de ces eaux à l’état brut dans la mer via un canal dont la longueur n’excède pas des dizaines de mètres.

Comme conséquence, et avec le temps, ces micro-organismes se prolifèrent et synthétisent des composés riches en Soufre, très gênantes pour l’odorat et ayant un effet toxique sur la totalité de l’écosystème marin, en particulier les poissons, les mollusques, les tortues marines et même les oiseaux qui venaient auparavant pêcher les petits poissons !

 

Gravité et Conséquences

Plusieurs cas d’échouages de tortues marines et de poissons asphyxiés par le manque d’oxygène dans l’eau ont été signalés d’une façon remarquable à partir de l’année 2013. Le tissu associatif à vocation environnementale dans la région (Forum Tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), Association de protection de l’environnement de Ksibet Mediouni (APEK) & Notre Grand Bleu) se voit impliqué dans cette polémique et ces associations se sont concentrés plutôt sur la sensibilisation des effets négatifs invasifs de cette pollution en proposant parfois des focus groups et des journées d’informations par rapport à cette thématique.

Le FTDES a proposé un programme complet pour l’aménagement du littoral et la préservation de la faune et la flore marines. Les autorités se sont vite alignés pour faire baisser les manifestations citoyennes et le comité pilote pour la protection de la Baie de Monastir a été créé au sein du gouvernorat de Monastir.

Perspectives et Prochaines Étapes :

Des grands travaux ont débuté à la région de Khniss, juste au voisinage de Ksibet Mediouni, l’objectif étant de déposer des quantités de sables pour couvrir les aires polluées de la mer et de faire « revivre » le courant des vagues. Bien que les travaux n’ont pas été achevés et l’impact environnemental n’est pas encore élucidé, plusieurs intervenants des autorités locales et des membres de la société civile ont un bilan d’évaluation plutôt positif.

Selon la députée du parlement tunisien Hela Omrane, 5 Millions de Dinars ont été alloués par le ministère de l’environnement et du développement durable, afin de poursuivre ces travaux de recouvrements des parties dans lesquels l’eau est hyper polluée au niveau du littoral de Ksibet Mediouni. Quant à la réforme du système de l’assainissement et le changement potentiel de l’emplacement de la station d’épuration, les états des lieux actuels demeurent ambigus et les perspectives manquent de clarté.

Des Rêves et des Attentes :

Dans l’attente de ces réformes, tant attendues par la population, les pêcheurs et les citoyens habitant les régions les plus proches de la mer se voient comme des victimes d’une politique environnementale faussement fondée. D’après un récent sondage d’opinion réalisé en Juillet 2016 par l’Association de Protection de l’Environnement de Ksibet Mediouni (APEK), et qui a touché 10% de la population de la ville, le taux de cancer est de 4,3%, considéré parmi les taux les plus élevés au niveau mondial.

Il importe maintenant de s’unir autour de ce challenge pour parvenir à un état de conscience citoyenne élevé, facteur qui contribuera à la mise en place de campagnes de pression et de plaidoyer ciblées et qui vont droit vers le but de toute une population opprimée : vivre dans un environnement sain, sentir la fraicheur de l’air et regarder rebondir les petites poissons Mulets saueturs dans leur milieu naturel.