Trump fidèle à ses promesses... infidèle à la Planète!

Teaser Image Caption
Paris Metro

Après de longues semaines d’attente et de suspens, le verdict est tombé au sujet de la décision finale de Donald Trump concernant l’adhésion de son pays à l’Accord de Paris sur le climat. Lors d'une conférence de presse tenue par le présidant américain à la Maison Blanche le jeudi 1er juin2017, il a été décidé que les Etats Unis quittent l’Accord quelques mois seulement après l’avoir ratifié en septembre 2016.

La décision du président américain était prévisible si bien que de nombreux observateurs nous ont fait croire que le bluffeur Trump jouerait une autre musique inattendue. En effet, ce dernier avait fait savoir durant la campagne électorale qu’il était en faveur des énergies fossiles et qu’il ne croyait pas au changement climatique contrariant ainsi l’ensemble de la communauté scientifique.

Dans son discours nationaliste et populiste, le président américain a précisé que mise à part la sortie de l’Accord de Paris, il suspendra toutes les mesures prises par les Etats Unis dans le cadre de cet Accord; notamment leur participation au Fonds Vert pour le Climat.  Ce dispositif avait été créé lors de la COP de Cancun en 2010 pour aider les pays du Sud dans la transition et l’adaptation, le gouvernement de Barak Obama s’était d’ailleurs engagé  pour 3 milliards de dollars américains dont 1 milliard a été versé et un montant de 550 millions a été ajouté juste avant qu’il ne quitte la maison blanche.

La première question qui se pose c’est de savoir si les Etats Unis ont définitivement quitté l’Accord juste après que leur Président ait prononcé son discours ou non et comment se déroulera ce processus de remise en question.

Pour obtenir une réponse à cette interrogation, il est primordial de revenir à l’avant dernier article de l’Accord de Paris sur le climat qui stipule dans ses deux premiers paragraphes que :

"1. À l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date d’entrée en vigueur du présent Accord à l’égard d’une Partie, cette Partie peut, à tout moment, le dénoncer par notification écrite adressée au Dépositaire.

2. Cette dénonciation prend effet à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la date à laquelle le Dépositaire en reçoit notification, ou à toute date ultérieure pouvant être spécifiée dans ladite notification."

Il est ainsi clair que les Etats Unis ne quitteront l’Accord officiellement qu’après 4 ans, c’est-à-dire en 2020 : 3 ans à partir de l’entrée en vigueur de l’Accord le 4 octobre 2016 et une année supplémentaire pour analyser et accepter la demande de dénonciation. Ceci dit, les Etats Unis ne peuvent quitter l’Accord officiellement qu’en novembre 2020. Sachant que le successeur de Trump (s’il n’est pas réélu pour un deuxième mandat) pourrait revenir sur la décision de l’actuel président et rejoindre de nouveau l’Accord de Paris. Par conséquent, la décision de Trump est loin de signifier la mort de l'Accord de Paris.

Quitter l’Accord mais pas la Convention ? Quelle différence ?

Il est à noter que la position du président américain n’était pas clairement affirmée au début quant à savoir s’il allait se retirer partiellement de l’Accord de Paris ou bien complètement de la Convention cadre des Nations Unis sur les Changements Climatiques (CCNUCC) qui cadre et conditionne toutes les réunions depuis 1995.

Au moment où il a tenu son discours, Trump n’a prononcé aucune fois la formule "changement climatique" et n’a nullement évoqué le sujet de la Convention sachant que le fait de quitter celle-ci implique automatiquement la sortie de l’Accord de Paris et de tous les autres accords et conventions.

Ce qui est expliqué dans le paragraphe 3 de l’article 28 de l’Accord de Paris qui stipule « toute partie qui aura dénoncé la Convention sera réputée avoir dénoncé également le présent Accord ».

Quelle Architecture pour l'Accord ?

L’Accord de Paris est le fruit d’un travail laborieux réalisé par la plateforme de Durban à qui il a été demandé d’« élaborer un protocole, autre instrument juridique ou un texte convenu d’un commun accord ayant valeur juridique, applicables à toutes les Parties » en vue de remplacer le protocole de Kyoto qui expire en 2020 et que les Etats Unis n’ont jamais ratifié. Dans une seconde mission, la plateforme de Durban avait pour objectif de « rehausser le niveau d’ambition des efforts d’atténuation avant 2020. » Les travaux de la plateforme de Durban ont en effet démarré en 2011 et se sont poursuivis jusqu’en 2015 correspondant à l’année où la 21ème Conférence des Parties s’est tenue à Paris.

Dans sa dernière version adoptée le 12 décembre 2015 à l’unanimité par 195 parties signataires de la Convention, l’accord adopte une démarche ascendante et descendante combinées. Entre des éléments contraignants et d’autres non-contraignants, cette architecture particulière a permis la convergence des points de vue initialement contradictoires et irréconciliables entre les Etats et surtout de satisfaire les exigences et les contraintes constitutionnelles américaines.

Ceci dit, l’Accord de Paris a été conçu d’une manière sophistiquée qui puisse satisfaire à la fois les recommandations des pays en développement s’attendant à un document juridiquement contraignant et les pays comme les Etats Unis ayant des contraintes institutionnelles.

Quels autres pays se sont abstenus de signer l’Accord ?

Avec cette décision, les Etats Unis rejoignent le cercle restreint des pays non signataires de l’Accord qui ne sont en fait que 2 : la Syrie et le Nicaragua.

Concernant la Syrie, celle-ci était absente durant la période où l'Accord a été adopté en décembre 2015 à cause de la guerre civile. En somme, la Syrie n’a jamais signé l’Accord et sa situation instable explique son absence à ces réunions. Quant au Nicaragua, il juge que cet Accord n’est pas assez contraignant et n’implique donc pas de sanctions. C'est pourquoi le gouvernement Nicaraguayen s'est opposé à la nature et à la forme de l'Accord de Paris.

« Nous n’allons pas le signer, parce qu’une déclaration d’intention mène tout droit à un échec », a expliqué Paul Oquist, l’envoyé du Nicaragua qui représentait le président Daniel Ortega lors de la COP21 à Paris.

Quel poids représentaient les Etats Unis dans l’Accord ?

Dans l’Accord de Paris, la composante clé qui pourrait aussi être considérée comme l’élément le plus contraignant, ce sont les Contributions Déterminées au Plan National (CDN). Il s’agit d’une communication périodique contenant des objectifs chiffrés en termes d’atténuation et d’adaptation qui doit être publiée d’une manière régulière tous les 5 ans. Pour les Etats Unis, deuxième grand émetteur de CO2 par pays derrière la Chine; l’objectif dans leur CDN c’est de réduire entre 26 et 28% des émissions de GES en 2025 par rapport à l’année de référence 2005. Selon l’organisation américaine Climate Tracker, cet objectif est inadéquat, ne répond pas aux attentes et n'est pas conforme aux capacités techno-scientifiques d'une puissance économique comme les Etats Unis.

Le Monde entier (à l'exception évidente des Etats Unis) au secours de Paris :

La communauté internationale et la société civile se sont montrées inébranlables et déterminées suite au volte-face de Trump en réaffirmant leurs engagements pour concrétiser les promesses et pour conserver l’esprit de Paris. Ce positionnement a été renforcé par l'engagement des chefs d'Etats sont réunis à l'occasion du sommet du G7 à Taormine en Sicile et qui l'ont fait savoir à travers le communiqué publié le samedi 27 mai 2017. Le site britannique CarbonBrief a également regroupé dans un article l’ensemble des réactions de dénonciation de la démarche de Trump.

Dans la même optique, des chefs d’Etats de l’Union Européenne, de la Chine, de l’Inde et d’autres pays se sont exprimés pour faire entendre leur désaccord avec la démarche américaine.

Le secrétariat de la Convention Cadre des Nations Unis sur les Changements Climatiques (CCNUCC) s’est également prononcé à travers un communiqué en réponse à la proposition de Trump de renégocier les conditions d’adhésion des Nations Unis à l’Accord, regrettant la décision prise et clarifiant qu’aucune renégociation n’est possible suite à la demande d’une seule Partie.

La société civile quant à elle est toujours à l’affut et environ 200 000 personnes ont défilé à Washington DC lors de la Marche pour le Climat le jour même où Donal Trump passait le cap des 100 jours à la Maison Blanche.  Les manifestants ont exprimé leur opposition et leur résistance face à la politique climatique de Trump qui avait notamment affirmé que le changement climatique était un "canular" ou un "concept inventé par les Chinois pour empêcher l'industrie américaine d'être compétitive.

Quelle suite ?

Ainsi, avec l'épilogue du feuilleton américain et le désistement du locataire de la maison blanche, les attentes et les regards se tournent en l'Europe vers l'Allemagne et la France et en Asie vers la Chine.

En effet, le rôle de leader dans l’action climatique reviendrait logiquement à l’Allemagne qui depuis quelques années investie dans les énergies renouvelables et est davantage engagée dans l'économie verte. A titre d'exemple, le 30 avril 2016, la part des énergies renouvelables consommée par les citoyens en Allemagne a atteint 85%. Une grande partie est assurée par l'énergie éolienne, pourtant cette source n'est pas exploitée à son maximum. Cette énergie répond aux besoins de l'Allemagne mais pas que puisqu'en 2014, l’Allemagne rassemblait 30,4 % des capacités de production d’énergie éolienne de l’UE. L’Espagne (17,9 %) et le Royaume-Uni (9,7 %) complètent le podium. Les technologies vertes de pointe sont dans l’ensemble considérées par les Allemands comme l’industrie du futur, et pour eux, l’écologie et l’économie ne sont pas en contradiction.

La France s’est également distinguée à travers l’engagement de son nouveau président  Emanuel Macron qui s’est exprimé à la suite de la décision des Etats Unis en lançant un appel aux chercheurs et aux enseignants, aux entrepreneurs, aux associations et aux ONG, aux élèves et à toute la société civile à se mobiliser et à rejoindre la France pour mener la lutte contre le réchauffement climatique. Cette initiative s’est concrétisée avec le lancement de la plateforme « Make Our Planet Great Again ».

Un autre pays pourrait bien prendre les devants dans la politique climatique et avoir une position dominante, il s’agit de la Chine. Le pays des 1,3 milliard d'habitants adopte une politique énergétique nationale exemplaire. Certes la Chine occupe la grande part d'émission de carbone, mais, si nous ramenons les émissions à échelle d'habitant, nous constaterons qu'un chinois pollue deux fois moins qu'un américain. Pour rappel, l’état chinois espère pouvoir produire 15% de son énergie à partir de sources d’énergie non-fossiles d’ici à 2020, tout en réduisant sa consommation énergétique de 40 à 45% par rapport à 2005 ce qui représente un important défi à relever. De même, au moment où la consommation énergétique totale de la Chine a augmenté de 1,4 % en 2016, les émissions de CO2 sont demeurées stables, grâce notamment à une croissance de 12% du marché des énergies vertes qui se développe de plus en plus en Chine. Cette stabilisation voire diminution des émissions de CO2 est enregistrée pour la quatrième année consécutive ce qui laisse penser que le pic des émissions de dioxyde de carbone en provenance du charbon sera bientôt atteint.