Policy Brief

La perception de l’environnement à la lumière du nouveau Code des Collectivités Locales

 

 

 

 

Introduction

L’environnement constitue en Tunisie un enjeu majeur pour le développement et la survie du pays. Même si le sujet fait rarement la une des médias et qu’il occupe une visibilité peu importante dans le paysage politique tunisien, la réalité sur le terrain est chaotique. Tous les gouvernorats du pays sont touchés par des problèmes de pollution qu’elle soit industrielle (Gafsa, Gabes, Sfax), ménagère en milieu urbain (Grand Tunis, Nabeul, Kasserine) ou touchant les espaces naturels (Jendouba, Bizerte, Tataouine).

L’Etat peine de manière flagrante à faire face aux problématiques environnementales. De nombreuses agences paraissent dépassées ou gangrénées par la corruption. Les autorités locales et régionales semblent immobilisées et quelques initiatives relèvent de l’exception. Les citoyens se plaignent mais ne réagissent pas forcément. Ils dénoncent mais n’adoptent pas toujours eux-mêmes les bons comportements.

C’est dans ce contexte de délitement environnemental qu’un sondage effectué par One To One Polling pour le compte de la fondation Heinrich Böll en Tunisie est venu documenter la perception des tunisiens quant à l’état de l’environnement dans le pays. Le sondage réalisé entre les 14 et 30 novembre 2016 a intégré 1000 questionnaires répartis sur l’ensemble du territoire, respectant la répartition par âge, sexe et niveau d’études de la population tunisienne.

Le sondage vient renforcer des vérités sur l’insatisfaction des tunisiens quant au rôle de l’Etat et des collectivités dans la protection de l’environnement mais il documente également des réalités ‘inattendues’ pour certains tel le fait que les citoyens se désignent eux-mêmes parmi les principaux responsables de la propagation exponentielle des déchets en milieu urbain et péri-urbain ou encore leur prédisposition à payer plus de taxes si cela permettait de remédier à l’insalubrité dans leur zone d’habitation.

Autant de chiffres qui permettent de tirer des conclusions claires :

  1. Il est urgent que l’Etat active la stratégie nationale de protection de l’environnement fondée principalement sur la gestion des déchets,
  2. Toutes les agences nationales, telles que L’Agence Nationale de Protection de l’environnement (ANPE), l’Agence de Protection et d’Aménagement du Littoral (APAL), l’Administration des Forêts ou l’Agence Nationale de Gestion des Déchets (ANGed), doivent se soumettre à de profondes réformes structurelles visant principalement à réduire la corruption interne qui mine leur efficacité, à améliorer la transparence de leurs activités et à établir des mécanismes de redevabilité et de participation publique,
  3. Une sensibilisation des citoyens à grande échelle doit être faite afin de changer des habitudes de consommation et de vie peu respectueuses de l’environnement,
  4. Accélérer l’adoption des textes d’application du nouveau code des collectivités territoriales, particulièrement concernant la protection de l’environnement et la régulation des activités impactant l’environnement ; en parallèle poursuivre les réformes législatives nécessaires à la réforme du système de protection de l’environnement, au premier chef desquelles figurent le Code de l’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme (CATU) et le Code des Forêts.
  5. Inclure des dispositions qui visent à doter les municipalités de tous les moyens humains, juridiques et financiers leur permettant de protéger l’environnement urbain et rural,
  6. Renforcer le système de sanction contre les infractions environnementales partout dans le pays.

L’environnement : une préoccupation inconsciente au regard d’une économie en difficulté

La situation générale de la Tunisie est évaluée par les trois quarts des personnes sondées (75.8%) comme étant négative (26.7%) à très négative (49.1%). L’ensemble des secteurs du pays, au premier titre desquels figurent le secteur de la santé et le secteur agricole, sont touchés par une crise de confiance et d’effectivité rendant l’avenir incertain pour beaucoup de tunisien[1]. Depuis la Révolution, le pays connaît une situation économique difficile entre explosion de la dette extérieure[2], croissance dépassant difficilement les 2%, taux d’inflation à 8% et dinar en constante baisse face à l’euro et au dollar[3]. Cela n’empêche pas que presqu’autant de personnes prédisent comme positive la situation économique pour les cinq prochaines années (43.6%) que de personnes qui la prédisent négative (46.5%). C’est dans ce contexte difficile que l’environnement tente de se faire une place dans le paysage médiatique et politique tunisien.

Il apparaît tout d’abord et sans surprise que les questions macro-économiques dominent l’attention des tunisiens. A la question « quels sont les problèmes auxquels fait face la Tunisie en ce moment ? » la majorité des sondés mentionne instinctivement le chômage, le pouvoir d’achat, la dette extérieure du pays ou l’absence d’investissement intérieur et extérieur. Les autres thématiques mentionnées comme des défis posés au pays sont également sans surprise le terrorisme et la sécurité, l’instabilité politique et la corruption.

L’environnement arrive à peine à apparaître sur cette liste : seule une personne le mentionne en premier, cinq le mentionnent en seconde ou troisième place. De même, à la question « quelles devraient être la priorité des partis politiques aux prochaines élections ? », parmi les réponses suggérées, l’environnement apparaît seulement en cinquième position d’une liste dominée par la santé et l’agriculture. Il serait facile dès lors de tirer des conclusions tendant à dire que l’environnement ne préoccupe pas ou n’intéresse pas les tunisiens.

Or, la réalité est toute autre. Les tunisiens sont rapidement rattrapés par un quotidien environnemental difficile et à savoir « à quel point vous sentez-vous concernés par les problèmes environnementaux ? », plus de 84% des sondés se considèrent comme étant concernés (24.6%) à très concernés (59.8%) par ces problèmes.

Ce qu’il faut comprendre à travers ces chiffres, c’est d’abord la différence entre les questions à réponses aléatoires (les sondés livrent eux-mêmes leurs réponses, instinctivement) et les questions à réponses assistées (les sondés choisissent parmi une liste de réponses) : l’environnement qui n’apparaît pas parmi les problèmes majeurs de la Tunisie en réponses instinctives est considéré comme une préoccupation importante par 84% des sondés dès lors qu’il est suggéré en réponse.

Une autre des explications possibles est le fait que la majorité des sondés reproduisent instinctivement les thématiques relayées par les grands médias. Les questions macroéconomiques, malgré leur complexité technique et la multitude des facteurs et des chiffres, en sont la preuve concrète. La sécurité et la lutte contre le terrorisme en sont un autre exemple. Les problématiques environnementales ne sont de leur côté pas un sujet récurrent dans les médias. Elles relèvent plus de faits divers lorsque des accidents écologiques surviennent ou lorsque des mouvements sociaux réclament des changements.

Cela ne retire rien de l’importance de la thématique pour le quotidien des tunisiens. Devenu depuis la Révolution un enjeu de santé nationale, sa protection a été inscrite dans le préambule[4] et le corps de la Constitution. Ainsi, aux termes de l’article 45 de la constitution : « L’État garantit le droit à un environnement sain et équilibré et contribue à la protection du milieu. Il incombe à l’État de fournir les moyens nécessaires à l’élimination de la pollution de l’environnement. »

L’Etat se porte également garant pour assurer l’accès à l’eau (article 44) et mettre en place une instance constitutionnelle indépendante du développement durable et des droits des générations futures (article 129). Cette instance n’a pas encore vu le jour, et aucun projet de loi la concernant n’a été déposé à l’Assemblée des Représentants du Peuple.

Mais avant d’aller plus loin, il est nécessaire de dresser un bilan écologique selon les tunisiens.

Etat-des-lieux environnemental : perception majoritairement négative des tunisiens

Chaque tunisien, chaque tunisienne est certainement en mesure de détailler immédiatement des défaillances environnementales vécues au quotidien dans leur espace de vie public et de travail. Sans aucune surprise, une grande majorité de sondés (72.7%) estime que la situation actuelle de l’environnement en Tunisie est mauvaise (25.7%) à très mauvaise (47.0%).

Ce chiffre, très proche de la perception de l’état général du pays (75.8% négatif à très négatif), démontre que la dégradation de la situation suite à l’affaiblissement de l’Etat et la perte de conscience des citoyens a touché des domaines considérés autrefois comme stables tels que l’écologie. D’autre part, il y a très certainement un rapport à chercher entre dégradation de l’environnement et état général du pays.

Plus de 55% des tunisiens assimilent en première réponse instinctive les problématiques environnementales à la question des déchets dans l’espace public. Cette domination prend tout son sens lorsque l’on sait que le pays produit près de 7 millions de tonnes de déchets, dont 2.5 millions de tonnes de déchets municipaux en moyenne par an et 0.815 kg par jour en milieu urbain durant la même période[5]. En face, seuls 70% sont mis en décharges contrôlées, 21% en décharges non contrôlées et seulement 9% sont compostés et recyclés.[6] La résultante est proche de la catastrophe : des poubelles à ciel ouvert, des espaces écologiques envahis par les déchets ménagers, des décharges sauvages qui envahissent espaces naturels et historiques, une faune et une flore salies par les déchets industriels et une prise de conscience qui peine à arriver.

Le problème persistant de l’accumulation des déchets ménagers (collecte, transport et traitement) et leurs répercussions sur le quotidien du citoyen fait que cette question représente une préoccupation majeure et cruciale quand il s’agit de dresser une liste des problèmes environnementaux par ordre de priorité. C’est surtout les habitants du gouvernorat de Zaghouan avec une moyenne de 19,7% et ceux de Sfax avec une moyenne de 17,3% qui estiment que la mauvaise gestion des déchets ménagers est intimement liée à la situation alarmante de l’environnement aujourd’hui.

Les déchets ne sont toutefois pas le seul problème mentionné lorsqu’une liste est suggérée : les problématiques liées à l’eau potable (qualité et accès) se hissent alors en haut de la liste, mentionnés en première réponse par 31% des sondés et par 20% d’entre eux en second. En effet, si en milieu urbain près de 100% des foyers sont connectés au réseau d’eau potable, cette valeur tombe à 91% en zone rurale et dans les deux cas ne prend pas en compte les constructions anarchiques, excluant de facto une frange entière de la population.[7]

Le sondage montre que la question de la dégradation de la qualité de l’eau potable est classée en première position dans plus de 14 gouvernorats. Ainsi, plus de la moitié des sondés habitant différentes régions considèrent que leur santé est menacée à cause de l’eau consommée. Plusieurs protestations ont déjà eu lieu dans différentes localités pour soulever ce problème aux autorités compétentes.[8]

Une moyenne de 18,4%  des tunisiens dans le Grand Tunis considèrent cette question comme la plus menaçante s’agissant des problèmes d’environnementaux. Face à une moyenne de 16,4% pour le Nord-Est du pays et de 22,5% pour le Nord-Ouest (Siliana enregistrant le taux le plus élevé de tous les gouvernorats 26,1%)

S’agissant du centre de la Tunisie, la qualité de l’eau est tout aussi préoccupante pour les consommateurs avec une moyenne de 20,1% pour le Centre-Est et 15,6% pour le Centre- Ouest.

L’autre problème se rapportant également à l’eau se révèle être le manque de ressources hydrauliques. Pour six gouvernorats à savoir le Kef, Kairouan, Kasserine, Sidi Bouzid, Tozeur et Kebili, l’insuffisance de l’eau est la question la plus inquiétante, entre pénuries et coupures les tunisiens des régions de l’intérieur se trouvent souvent privés d’eau.

Mis à part les problèmes liés à l’eau et aux déchets, d’autres problèmes environnementaux communs à plusieurs régions ont été soulevé comme le manque d’hygiène et le comportement non responsables des citoyens vis-à-vis de l’environnement ainsi que la pollution du sol de l’eau et de l’air.

En effet, 15,6% des tunisiens considèrent que le manque de propreté/hygiène et certains comportements des citoyens sont à la tête du problème environnementale en Tunisie. Les moyennes de perceptions de ce problème entre les régions de l’intérieur et les régions côtières sont très proches (respectivement 13,0 % et 13,8 %). Cela démontre bel est bien une conscience que la propreté de la rue et la salubrité publique restent de la responsabilité du citoyen.

Concernant la thématique de la pollution (sol, eau, air), il ressort du résultat de ce sondage que c’est la ville de Gabès qui est la plus touchée par le phénomène de la pollution du sol de l’eau et de l’air causé par la présence du Groupe chimique tunisien (GCT). 28,1% des citoyens à Gabès interrogés estiment que leur préoccupation environnementale première est la pollution avec la dégradation de la qualité de l’air, l’eau, des sols et des sous sols. Non loin derrière, le gouvernorat de Médenine souffre également des mêmes maux liés à la pollution avec une moyenne de 23,7%. Le Nord-Est du pays estime aussi que la pollution représente l’un des problèmes les plus préoccupants avec une moyenne de 13,6%.

Bien que certaines questions touchent simultanément plusieurs régions, il n’en demeure pas moins qu’il en reste certaines spécifiques à une région déterminée comme le problème de la déforestation (exploitation forestière) pour la région de Kasserine et l’agriculture intensive pour Kébili.

Enfin, de nombreux autres sujets sont choisis dans la liste sans être instinctivement mentionnés tels que la déforestation (9%)[9], l’impact des industries agroalimentaires (15%)[10], l’épuisement des ressources naturelles conventionnelles (7%)[11] ou encore la disparition de la faune et de la flore naturelles (4%)[12].

Les déchets : une responsabilité partagée entre Etat central, collectivités et citoyens

La question des déchets impacte tellement de manière concrète et brutale le quotidien des citoyens sur l’ensemble du territoire qu’ils n’ont pas besoin d’avoir accès à des chiffres officiels et actuels pour exprimer leur mécontentement et dresser un diagnostic alarmant de la situation.

Mais s’ils partagent la même perception négative du problème des déchets, quand il s’agit de déterminer qui en est la cause et à qui revient la responsabilité de le régler, les avis divergent.

D’une manière générale, 6 tunisiens sur 10 se déclarent insatisfaits quant au rendement des communes par rapport à la lutte contre la pollution et à la mise en œuvre de nouveaux projets ayant un impact positif sur l’environnement. Alors que la moitié des sondés jugent insatisfaisant tout le processus de gestion des déchets du rassemblement au transport jusqu’au traitement des déchets.

Ainsi, 37.2% des sondés considèrent que le problème des déchets est directement causé par un manquement des autorités locales à leurs obligations (26,3%) et au manque de moyens dont elles disposent en termes de collecte et stockage (10.9%). Un constat sans appel et que l’on retrouve fondé quand on sait que moins de 10% des déchets municipaux sont compostés ou recyclés et que l’ensemble du territoire n’est couvert que par une dizaine de décharges publiques contrôlées.

Pour prévenir ce type de situation, le code des collectivités locales a consacré plusieurs dispositions pour renforcer les prérogatives des communes et des régions en matière de gestion des déchets.

Le Code des Collectivités Locales définit d’abord la municipalité comme étant « une collectivité locale dotée de la personnalité juridique, de l’indépendance financière, gérant les affaires locales en vertu du principe de libre arbitre et œuvrant à développer la zone d’un point de vue économique, social, culturel, environnemental et urbain et d’améliorer les services à destination des citoyens. »[13] Le Conseil Municipal qui forme l’organe suprême au sein de la municipalité du fait de son élection directe par les citoyens, doit obligatoirement former des commissions dont plusieurs aborderont des questions à forte teneur environnementale telles que les commissions « de la propreté, de la santé et de l’environnement publics, la commission « des travaux et aménagement urbains et la commission des affaires administratives et des services »[14].

Dans les municipalités qui se seront dotées d’arrondissements municipaux, ces derniers seront en charge entre autres choses de « proposer [au conseil dont ils dépendent] des programmes annuels relatifs à la propreté, à la protection de l’environnement et seront en charge du suivi de leur application. »[15]

L’innovation première du CCL est de doter les communes de plus de compétences propres qu’elles exercent seules de manière exclusive, de compétences partagées avec les autorités centrales et de compétences transférées par l’Etat aux communes. Les compétences propres des communes sont liées directement aux services et aux équipements de proximité[16]. L’environnement occupe une place importante et privilégiée parmi ces compétences.

En effet, le Code des Collectivités Locales  prévoit dans son article 226 que le « Conseil Municipal est en charge de la gestion des affaires municipales et de prendre les décisions nécessaires qui y sont relatives ; et ce particulièrement concernant […] le classement des biens publics propriétés de la municipalité, y compris les rues, les places publiques, les espaces verts et autres. »[17]

Le Code ajoute que «  Le conseil municipal est responsable de la création et de la gestion des services publics municipaux notamment: […]

  • L'aménagement des jardins, des vues, espaces verts, l’embellissement des villes, et l'enlèvement de tout phénomène et origine de pollution sur la voie publique […]
  • la collecte des déchets non ménagers, leur tri le cas échéant et leur dépôt dans les décharges contrôlées […]
  • la prévention de la santé, de l'hygiène et de la protection de l'environnement et l'adoption de réglementations nécessaires. […]»[18]

Les compétences partagées avec l’autorité centrale semblent également avoir été repensées particulièrement au regard de la complexité de la protection de l’environnement. Ainsi ces compétences partagées ont été définies comme étant entre autres : « 

  • La réalisation d’infrastructures à portée sociale, sportive, culturelle touristique et environnementale, […] telles que les parcs, décharges contrôlées et les centres de traitement des déchets ; 
  • La création des parcs naturels et leur entretien ;La réalisation de réseaux de traitement des eaux et leur entretien. »[19]

Pareilles dispositions visant clairement la collecte et le tri des déchets n’étaient prévues par la loi organique des communes (1975). C’est dire l’ampleur du phénomène qui s’est imposé comme une réalité devant être réglementée par la loi en mettant les municipalités devant leurs responsabilités.

Les clauses générales pour prévenir la pollution ou pour interdire de jeter tout ce qui serait de nature à préjudicier aux passants (article 81 loi organique des communes 1975) se sont avéré être insuffisantes pour faire face à ce problème.

Le Code des Collectivités Locales cite les compétences du président du conseil municipal en matière de police environnementale qui ne se démarquent pas des dispositions de la loi organique des communes. D’après l’article 254 le maire doit assurer la règlementation relative à la protection de l’environnement à l’intérieur de tout le périmètre communal, y compris le domaine public de l’Etat. Cette réglementation aura pour objet d’assurer la tranquillité, la salubrité publique et la sauvegarde d’un cadre de vie paisible qui garantit la sécurité, la dignité, l’esthétique, la préservation d’un environnement sain. Les mesures de police porteront en particulier sur :

  • Le nettoyage, … l’enlèvement des obstacles, la démolition ou la réparation des édifices menaçant ruine … l’interdiction de jeter tout ce qui serait de nature à préjudicier aux passants ou à produire de mauvaises odeurs, et l’interdiction de jeter les déchets solides, liquides et gazeux,
  • La répression des infractions relatives aux constructions, l’occupation illégale du domaine, et la protection du public des dangers des chantiers et des travaux publics, la démolition et l’entretien des immeubles menaçant ruine ordonnés par le président de la commune sur la base d’une expertise préparée par un expert désigné par le tribunal compétent,
  • Toutes les mesures tendant à prévenir les atteintes à la tranquillité publique, dont notamment la pollution provenant des établissements industriels, professionnels et commerciaux sis dans le périmètre communal
  • Les mesures nécessaires à la préservation de l’esthétique urbaine des artères, places, routes et espaces publics et privés dans le respect des spécificités urbaines, historiques et environnementales de la commune.

Ce qu’il faut retenir à ce niveau, est que la commune ne sera pas le seul échelon de collectivité locale à jouer un rôle important en matière environnementale. La région comme une nouvelle collectivité locale à part entière aura également d’importantes prérogatives en la matière. D’après les articles 289 et 290 du CCL, la région aura la charge de gérer et de réaliser différents services, équipements publics à caractère régional relatif essentiellement à l’environnement, à la culture, au sport et à la jeunesse.   Les régions seront aussi responsables des opérations urbaines relatives à la protection des spécificités du patrimoine culturel local et à sa mise en valeur ainsi que la préservation des zones naturelles et archéologiques et de leur valorisation d’un point de vue culturel et économique.

C’est principalement le ministère des Affaires Locales et de l’Environnement qui aura l’obligation de soutenir les efforts des collectivités locales pour atteindre l’objectif ultime d’élimination des déchets. Ainsi, dans le cadre de la gestion budgétaire par objectifs le ministère a mis en place un programme intitulé « Environnement et qualité de vie » avec une enveloppe budgétaire qui s’élève à 184 617,5 MD (prévisions 2017)[20] . Ce programme comporte trois sous programmes dont deux qui ont attrait à la question des déchets : « Prévention et qualité de vie » et « prévention et limitation de la pollution ». Plusieurs  établissements publics et entreprises publiques sont impliquées dans la mise en œuvre de ce programme dont l’Office National de l'Assainissement, l’Agence Nationale de Gestion des Déchets , l’Agence de Protection et d'Aménagement du Littoral et enfin l’Agence Nationale de Protection de l'Environnement. 

Plusieurs mesures à l’échelle centrale ont été entreprises en matière de gestion des déchets, l’on citera les plus importantes :

  • La mise en place d’un programme nationale visant la gestion des déchets solides (1993)
  • L’adoption de la loi n° 96-41 du 10 juin 1996, relative aux déchets et au contrôle de leur gestion et de leur élimination ayant pour objectifs :
  • la prévention et la réduction de la production des déchets et de leur nocivité notamment en agissant au niveau de la fabrication et de la distribution des produits
  •  la valorisation des déchets par la réutilisation, le recyclage et toutes autres actions visant la récupération des matériaux réutilisables et leur utilisation comme source d'énergie
  • la réservation de décharges contrôlées pour le dépôt des déchets ultimes
  • La création de  l’Agence nationale de gestion des déchets pour accompagner et soutenir les efforts des communes en la matière (2005).
  • L’adoption en 2006 d’une stratégie nationale de gestion intégrée et durable des déchets (2007-2016). Les objectifs de cette stratégie : Réduction des quantités de déchets ; Traitement des déchets ; Amélioration du cadre institutionnel, réglementaire et financier de la gestion des déchets ;  Renforcement de la communication, de la concertation et de la sensibilisation ; et suivi minutieux des statistiques et informations en matière de gestion des déchets

D’autres mesures actuelles ont été engagées en ce sens telles que :

  • La mise en place d’une police environnementale qui est devenue opérationnelle depuis juin 2017. Un corps créée par la loi n° 2016-30 du 5 avril 2016, modifiant et complétant la loi n° 2006-59 du 14 août 2006, relative à l’infraction aux règlements d’hygiène dans les zones relevant des collectivités locales. 
  • L'interdiction des sacs en plastiques dans les supermarchés (2017): L'interdiction intervient suite à une convention conclue entre le ministère de l'Environnement et la Chambre syndicale des grandes surfaces. Un premier pas vers une interdiction totale des sacs en plastique en Tunisie.

Toutes ces mesures aussi bien au niveau légal et réglementaire qu’au niveau institutionnel n’ont pas été effectives et suffisantes pour atteindre les objectifs recherchés.

Toutefois, si les autorités de l’Etat aussi bien locales que centrales sont responsables de ce constat chaotique, elles ne sont pas les seules coupables: un cinquième (20.5%) des sondés considèrent que les citoyens eux-mêmes sont les premiers responsables de l’aggravation de la situation du fait de l’absence de conscience relative aux dangers de la pollution urbaine et rurale et à une mentalité peu portée sur la protection de l’environnement.

Lorsqu’il s’agit de déterminer les responsables on retrouve cette quasi-unanimité autour de l’absence de conscience citoyenne et de mentalités : 84% des sondés sont d’accord pour dire que cela est une cause première de la pollution. 82% confirment également la thèse de la mauvaise gestion municipale des déchets. Plus intéressant encore, 75% considèrent que la classe politique délaisse le problème et nous rappelle de fait que la thématique n’est pas en une priorité des débats nationaux. Enfin, 70% des sondés sont d’accord sur le fait que la pollution est liée à la fois à la corruption et au manque de moyens.

Les sondés sont aussi conscients que le citoyen peut être une partie importante de la solution pour lutter contre la pollution en changeant plusieurs habitudes. Ainsi, à la question «  Quelles sont les deux mesures à prendre par le citoyen relative à l’environnement ? », près du tiers des sondés considèrent que le respect des règlementations relative aux jets des déchets et ordures est la première mesure à prendre. Alors que 19% estiment que le plus important est de s’abstenir de polluer l’eau avec des déchets (l’eau de mer, lacs et toutes autres sources d’eau).

Aucun responsable n’est à la hauteur 

Le sondage est revenu sur les responsabilités de chacun telles que perçues par les tunisiens. Et sans surprise ni les partis politiques (67.8% d’opinions défavorables), ni le gouvernement (63.8% d’opinions défavorables), ni même la société civile (seulement 48.4% d’opinion favorables) n’arrivent à convaincre.

Les efforts de lutte contre la pollution laissent une moyenne de toutes les régions à 64.9% de personnes insatisfaites. Les efforts de collecte des déchets ménagers ne convainquent même pas la moitié des sondés (53.4% d’insatisfaits). Seul le traitement des déchets industriels semble bien se porter avec seulement 38.2% d’insatisfaits.

Dans tout cela, les tunisiens déterminent que les responsabilités sont partagées quasi-également entre municipalités (29.5%), citoyens (28.8%) et gouvernement (26.2%). Cela montre que la Tunisie a plus que jamais besoin de l’activation de la stratégie nationale de gestion intégrée et durable des déchets (2006-2016) qui inclue tous les acteurs et fasse porter à chacun ses responsabilités. [21]Une stratégie qui intègre sensibilisation, accompagnement, révision du cadre légal et sanction et qui se fasse rapidement.

Citoyenneté et attentes environnementales : les habitudes peuvent changer

Après les premières élections municipales post révolution, la question environnementale semble de plus en plus devenir un enjeu majeur : 45.6% des sondés considéraient avant l’élection que le vainqueur de l’élection dans leur municipalité devra commencer par s’occuper de l’environnement et des déchets en milieu urbain, 12.2% considéraient comme prioritaire la nécessité d’investir dans le matériel et véhicules de collecte des déchets et dans leur stockage.  Une observation minutieuse des premières décisions prises par les conseils municipaux et présidents nouvelles élus nous permettra de noter les avancées sur ce sujet.

A échelle nationale, l’environnement doit devenir une vraie préoccupation des gouvernants au-delà des discours et des institutions inefficaces. Une des solutions, en plus d’améliorer la gestion des déchets (citée par 37% des sondés en première et seconde réponse) est que l’Etat investisse massivement dans les énergies renouvelables : 37,8% des sondés indiquent cela. Seulement 0.3% pensent que le gaz de schiste devrait être exploité.

Ces chiffres dénotent d’une certaine lucidité. L’absence de prise de conscience n’est pas absolue et encore moins irréversible. Lorsqu’on voit que 91.4% des tunisiens sont d’accord pour imposer une amende aux pollueurs sur la voie publique, que 88.9% sont prêts à délaisser les sacs plastiques et à les remplacer par des alternatives (couffins, sacs réutilisables, etc.) et que 92.5% sont prêts à changer leurs habitudes de consommation pour l’intérêt des générations futures. Le sondage révèlent aussi que 58,1% des tunisiens se déclarent prêt à s’engager bénévolement auprès d’une association qui a pour objectif la protection et la préservation de l’environnement.

Mais le chiffre qui plus que tout autre parait significatif est que 63.5% des sondés affirment être prêts à payer plus de taxes pour améliorer la salubrité de leurs zones d’habitation contre 28.5% qui s’y opposeraient fermement. Ces chiffres montrent l’ampleur du problème tout autant que le changement qui est en train de s’opérer chez les tunisiens. La plupart des intervenants sont conscients que le problème n’est pas simple à cerner et encore moins facile à surmonter. Il exige l’implication de tous et le changement de nombreux comportement peu respectueux de l’environnement.

L’environnement demeure au regard du sondage réalisé comme une priorité pour une majorité de citoyens. Ces derniers considèrent que la situation environnementale affecte de manière négative leur qualité et cadre de vie et que peu a été fait durant les dernières années pour remédier à cela. Avec l’avènement des premiers conseils municipaux et présidents élus depuis la Révolution, mais également grâce à l’adoption du nouveau Code des Collectivités Locales, il semble en mesure aujourd’hui d’espérer observer un changement significatif de la situation environnementale en Tunisie.

 


[1] 66.3% des sondés estiment que le pays est engagé sur la mauvaise voie contre seulement 25.9% le considérant sur la bonne voie.

[2] Fin juin 2017, la dette publique du pays s’élevait à 66,9% du produit intérieur brut, dont plus des deux tiers sont constitués de dettes extérieures.

[3] La monnaie nationale tunisienne a perdu 40% de sa valeur face à l’euro en près de trois années.

[4] Préambule de la constitution du 27 janvier 2014 : « Conscients de la nécessité de contribuer à la protection du milieu naturel et d’un environnement sain, propre à garantir la pérennité de nos ressources naturelles et la permanence d’une vie paisible aux générations futures »

[5] « Rapport sur la gestion des déchets solides en Tunisie », GIZ, avril 2014

[6] Idem.

[7] « Réflexion stratégique sur le secteur de l’eau potable et de l’assainissement en Tunisie », World Bank,

http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/ACCUEILEXTN/NEWSFRENCH/0,,cont…

[9] Chiffre se référant au total des premières et secondes réponses données à la question.

[10] Idem.

[11] Idem.

[12] Idem.

[14] Article 199 du Code des Collectivités Locales

[15] Article 219 du Code des Collectivités Locales

[16] Article 224 du Code des Collectivités Locales

[17] Article 226 du Code des Collectivités Locales

[18] Projet du code des collectivités locales (Version mai 2017) Traduction non officielle

[19] Article 231 du Code des Collectivités Locales

[20] Projet annuel de performance pour l’année 2017, unité de gestion budgétaire par objectifs au sein du ministère des Affaires Locales et de l’Environnement, novembre 2016. p.12.

[21] Rapport du ministère de l’Environnement et du Développement Durable, « Stratégie nationale 2006-2016, Gestion intégrée et durable des déchets ». pp.19.

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Date of Publication
15 Février 2018
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