Bienvenue dans l’Egalovision (Egalité + vision) de Yosra Frawes

Portrait

Pour Yosra Frawes, l'égalité n'est pas seulement une préoccupation à laquelle elle se consacre depuis sa plus tendre enfance, mais bien plus un concept holistique, une vision, un objectif et une maxime d'action : la condition sine qua non du bien-être de chacun. société. Une rencontre avec l'avocate et militante, la poétesse et femme du monde.

Portrait Image

L’avant portrait

Quand ils m’ont demandé de faire le portrait de Yosra Frawes, j’ai longtemps hésité !
Comment la décrire et que dire de Yosra ?!
La subjectivité est garantie dans cet essai.
Tenez-vous bien : je vais vous parler de Yosra Frawes, la femme, la poétesse, l’avocate et la Militante pour les droits des femmes.

Ce n’est pas trop compliqué de retrouver la trace de Yosra sur Internet.
Google et Wiképédia la connaissent parfaitement.
Son profil Facebook était jusqu’à récemment ouvert au grand public.
Elle n’est pas trop tweeter ni Instagram.
Son numéro de téléphone est aussi affiché un peu partout, journalistes et partenaires ne peinent jamais à trouver ses contacts.

Avec son sourire omniprésent, son charisme et sa voix profonde, elle rassemble autour d’elle un réseau d’ami/es et de proches indéterminable.

Pour Souhayr Belhassen[1], ancienne présidente et actuellement présidente d’honneur de le Fédération Internationale des Droits Humains  (FIDH) « Yosra est une fierté ! elle personnifie la transmission de notre combat pour les droits humains et les droits des femmes en particulier, en Tunisie et dans la région…elle porte haut et fort la parole militante avec cette particularité que sa grande culture arabophone et francophone et son charisme personnel, qui attire vers la cause des droits humains, ont joué un rôle déterminant dans l’engagement des jeunes. Yosra Frawes est une personne de qualité douée de beaucoup de diplomatie mais aussi de convictions et de prise de position qui font d’elle aujourd’hui une référence dans la cause des droits humains et des droits des femmes en particulier »

Le portrait

Cette fois ci pour « naviguer » en son intérieur il fallait la « détourner » loin du travail et des engagements militants.
C’est elle qui choisit le lieu de notre interview. Ce jour-là il faisait beau sur Tunis, tout comme elle l’avait espéré. Un soleil particulier illumina cette journée d’automne.
Elle m’invita à « Cebalet Ben Ammar » à quelques kilomètres de Tunis nous avancions dans une verdure à couper le souffle.
Dans l’une des fermes du coin nous avons pris place au beau milieu de la grande cour qui donne sur les pâturages où se promenaient des chevaux.
Le domaine est transformé par la propriétaire en un lieu d’accueil et de refuge pour les gens fuyant la capitale et le bruit.
Avant d’ouvrir mon ordinateur pour commencer l’interview, elle m’interpelle à prendre une grande bouffé d’air nature « n’est-ce pas inspirant » ajouta -t-elle en levant les mains vers le ciel comme si elle s’apprêtait à prononcer l’un de ses poèmes ou l’un de ses discours.

Le malaise de l’Égalité

A l’école elle ne comprend pas encore pourquoi les questions des femmes l’attirent mais se souvient très bien de cette journée où elle avait déjà crié haut et fort « la femme a le plein droit de travailler ! Tout comme les hommes ! »
Ils étaient un groupe d’écoliers dans la cour de l’école, quand l’un des camarades de classe se déclarait contre le travail des femmes, pour moi disait-il « ma femme restera à la maison ! C’est moi qui va travailler »
C’est la première plaidoirie de Yosra, qui se prépare là, elle pour qui sa maman, dans un entourage patriarcal jusqu’au bout, est devenue responsable du projet familial pour pouvoir subvenir aux besoin de ses enfants.
« Moi, c’est ma mère qui travaille pour nous envoyer à l’école mes sœurs et moi ! »  Yosra criait fort et a fini par créer deux rangs : un pour les enfants en faveur de l’épanouissement économique des femmes et un autre pour les contre.
Les contre étaient plus nombreux mais cela l’a marquée pour toute sa vie et elle restera déterminée à défendre le droit des femmes au travail.
Adolescente elle deviendra plus déterminée à porter le combat de et pour l’Égalité, depuis le jour où elle a promis à Assya, sa mère, de devenir avocate et militante dans les rangs de l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD).
En obtenant le bac, elle s’inscrit à la Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis (FSJPST) et rejoint en même temps l’ATFD.
Elle sortira de la faculté avec un master en droit des affaires et une maîtrise en droit qui lui a permis de discuter, dans son rapport de fin de stage au barreau, le mariage en Tunisie « entre un contrat et une institution » et Yosra osera recommander, dans une société conservatrice, l’union libre et la reconnaissance de la famille monoparentale.

L’Égalité... la Maturité

A la faculté elle va développer des convictions politiques de gauche, s’investir dans le réseau des syndicats étudiants,et deviendra membre active du groupe des jeunes de l’ATFD puis s’intéressera surtout à la commission de lutte contre les violences, où elle sera impliquée dans l’écoute solidaire des femmes victimes de violence.

Une écoute faite par les militantes de l’association pour une orientation psychologique et juridique des femmes victimes de violences.En 2018 elle portera la flamme de l’ATFD et restera présidente jusqu’à juin 2021 où elle passe à son tour le flambeau au nouveau bureau.

Après la chute de Ben Ali, elle contribue à la mise en place de la démocratie en Tunisie et met son expertise au service de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution et c’est encore une occasion pour elle de continuer de dénoncer les abus et les inégalités en matière de droits humains et d’œuvrer pour la promotion de « l’Égalité entière entre femmes et hommes »

L’Égalité, est ,pour Yosra, non seulement une cause pour laquelle elle s’est dédiée depuis toute jeune mais aussi  c’est tout un concept, une utopie, un objectif et une manière de faire : Une condition sine qua none de la prospérité de toute société.

En 2017, elle contribue à l’adoption, et l’écriture même, de la première loi intégrale en Tunisie contre toutes les violences faites aux femmes et filles. Une loi fortement controversée par les islamistes alors au pouvoir et détenant une grande force au parlement en charge de légiférer les lois en Tunisie à l’époque. Elle est fière de cette réalisation et ne le cache pas. Une loi pour laquelle elle continue à se battre afin de la concrétiser sur terrain.
Une loi qui permettra, entre autres, à l’une des sœurs cadettes de Yosra, la militante de longue haleine à l’ATFD et à Beity ; Wafa Frawes, de rendre justiciable les droits des femmes sur les réseaux sociaux. Wafa est l’une des premières femmes tunisiennes qui a porté plainte contre son agresseur qui a organisé contre elle une campagne de dénigrement sur Facebook.

Le féminisme : la convergence des luttes

Yosra Frawes a aussi contribué à la prise de conscience de la convergence des luttes féministes et LGBTQ++ en Tunisie.
En novembre 2019 Yosra Frawes fut contestée pour avoir manifesté côte à côte avec des activistes LGBTQ++.

Chose qui ne va pas la dissuader de continuer d’appuyer les luttes de ces personnes « On se rejoint car tout d’abord nous avons le même référentiel universel des droits humains. Ensuite nous prônons une seule revendication : balayer les inégalités et les injustices juridiques. Enfin, parce que ces rencontres nous renforcent dans nos luttes indissociables à notre avis[1] » en 2017 elle réunit autour de la FIDH différentes organisations pour préparer le rapport des parties prenantes soumis à l’examen universel de la Tunisie devant le conseil des droits de l’homme.

En 2012 elle participe à la libération de Jabeur Mejri, condamné à sept ans et demi de prison pour la diffusion sur Facebook de dessins jugés blasphématoires. Elle ne baissera les bras que quand il retrouvera refuge loin de la Tunisie et part continuer sa vie d’artiste.

Et pour finir :

Après avoir terminer son mandat de présidente à l’ATFD, Yosra Frawes, est revenue au rang des militantes de terrain pour retrouver le plaisir de partager, avec les plus et les moins jeunes qu’elle, encore et toujours l’ambition de voir les femmes de plus en plus émancipées.

Elle continue à œuvrer, dans sa vie personnelle, au travail et dans la sphère publique pour défendre l’Égalité entière. Aujourd’hui elle continue à superviser un projet en faveur de l’Égalité dans l’héritage dans les pays du Maghreb : Tunisie, Maroc et Algérie.

Pour elle l’autonomisation des femmes est avant tout une question d’égalité d’accès aux ressources économiques. Un combat extrême, dans les sociétés des trois pays, régis jusque là par des lois discriminatoires fondées sur la religion et la chariaa dans la transmission des legs.

 

[1] Souhayr Belhassen est une journaliste tunisienne et défenseure des droits humains. Elle a dirigé la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), entre avril 2007 et mai 2013