Notons que la population concernée provient dans la plupart des cas des pays du tiers Monde. D’après le recensement de l’Organisation Internationale de l’Immigration (2012) 800.000 travailleurs immigrés, appartenant à 120 pays. UNHCR(2011) rapporte que 49% de la population immigrés, qui ont franchit la frontière tunisienne et égyptienne sont des femmes et 46% d’entre eux sont des enfants moins de 18 ans. N’omettons pas de mentionner l’incertitude et la précarité des droits légaux de ces réfugiés et l’absence d’une responsabilité institutionnelle dans le système référence légale internationale et nationale qui régit leur statut.
Cette problématique est d’autant plus complexe, quand on envisage des opérations de rapatriement des réfugiés vers leurs pays d’origine, dont la situation politico-économique est fragile et qui constituerait une des répercussions long terme.
L’immigration non règlementée ne résulte pas uniquement des répercussions des printemps arabe sur la région. Ces évènements récents n’expliquent pas à eux seule ces chiffres alarmants. La crise économique et l’intensification des mesures de contrôles des frontières interviennent aussi dans ce processus avec la rigidité des mesures d’octroi de visa de circulation et l’étiolement des opportunités d’immigration de l’Afrique du Nord vers l’Europe. La crise n’a fait qu’attiser, l’ostracisme prononcé à l’encontre d’une jeunesse arabe désenchantée et en quête d’une vie digne.
L’expérience tuniso-libyenne du soulèvement des printemps arabe durant 2010 et 2011 est le meilleure exemple qu’incarne la complexité du processus migratoire. En effet, la diversité de la population migrante (femmes, enfants et travailleurs) et les différentes raisons motivant la demande d’asile (fuite du conflit, recherche de travail et fuite de la précarité sociale) partagent un dénominateur commun qui est la vulnérabilité et la menace des droits de l’Homme que confrontent ces personnes de cette frange.
Melissa Fleming porte parole du HCR a déclaré, au palais des nations à Genève lors d’une conférence de presse le 15 Mars 2011 qu’en 24 h, 22 bateaux transportant plus de 1 600 personnes, pour la plupart de jeunes hommes tunisiens, ont accosté la petite île italienne de Lampedusa. Ces dernières arrivées portent le nombre total des Tunisiens qui sont arrivés en Italie depuis la mi-janvier à un peu plus de 10 000. « Dans les dernières 24 heures, Il semble que l'embarquement à bord de ces bateaux se soit effectué depuis plusieurs localités le long de la côte tunisienne. Des membres du personnel du HCR sont présents à Lampedusa et essayent d'aider les autorités italiennes à gérer cette situation. Il semble que cet afflux depuis la Tunisie n'est pas lié à la crise actuelle en Libye. D'après nos contacts avec des Tunisiens arrivés en Italie ces dernières semaines, nous estimons que la plupart sont en quête d'un emploi et de meilleures opportunités économiques, plutôt que de protection internationale. Le personnel et les partenaires du HCR en Tunisie rapportent que certains villages se sont apparemment vidés de leur population d'hommes jeunes et qu'il reste seulement les femmes, les enfants et les personnes âgées. Ce type d'exode n'est pas atypique dans des pays en transition, et nous connaissons leurs nombreuses revendications auprès du Gouvernement tunisien ces temps-ci. Des solutions à ce type d'exode doivent être trouvées dans le dialogue entre les gouvernements concernés, y compris avec l'organisation d'un retour dans l'ordre et la dignité pour les personnes considérées comme n'ayant pas besoin d'une protection internationale, et la mise en œuvre d'opportunités pour la migration de la main d'œuvre qui puissent satisfaire les besoins des pays des deux côtés de la Méditerranée. »
Les récents incidents enregistrés en septembre 2012, de naufrages d’embarcation d’immigrés clandestins, a occasionnées des centaines de morts et des disparus. Ces pertes humaines attestent de la virulence d’un tel phénomène et cela ne serait ni la dernière ni la première catastrophe. Au vue des chiffres des morts et naufragés en haute mer, les frontières méditerranéennes sont devenues le théâtre de scènes d’hécatombes où des jeunes chômeurs et des jeunes diplômés, retrouvent la mort et embraquent dans ces traversés périlleuses vers un destin incertain en Europe. A qui profite ce nouveau commerce humain ?
Cela pointe en filigrane une autre problématique celle de la traite des êtres humains. Les passeurs, véritables marchands de la mort, promettent, à des jeunes de pays en transition, un avenir prospère en Europe monnayant des sommes colossales.
L’immigration non règlementée et ses répercussions en termes de crimes de frontières et des disparitions en haute mer et les controverses sur l’octroi de statut de réfugiés aux personnes concernés, relèvent à la fois de la question des droits internationaux humanitaires et les droits de réfugiés. Elle pointe aussi le désarroi des gouvernements Européens et des gouvernements du bassin sud de la Méditerranée et leur responsabilité dans la prévention les disparitions. Il leur incombe, alors de déterminer le sort des personnes disparues et de devoir aussi reconnaitre leur part de responsabilité dans la mise en œuvre des mécanismes, politiques et des lois nécessaires pour endiguer à une telle tragédie.
La sécurité frontalière qu’incarne FRONTEX, modèle déployé par les agences européennes pour contrer l’immigration non règlementée, est régit par une agence européenne mise en place en 2004, par les états membres pour renforcer, gérer et organiser des coopérations avec les autorités nationales des états membres, via des NCC (National Coordination Center). Une étude de Hbs « Borderline: the EU’s New Border Surveillance Initiatives, Assessing the costs and fundamental Rights implications of EUROSUR and «Smart Borders» Proposals» aborde les limites du système FRONTEX, et se focalise à revoir de prés les considérations des aspects légaux de ce système : et cela en matière d’opération de refoulement et en opérations de rapatriements forcés. L’étude s’attarde sur les décisions de la cours européenne des droits de l’homme en 2012, qui a jugé le gouvernement italien pour avoir ordonné une opération « d’expulsion collective » vers la Libye, en 2009. Cette opération a confronté les personnes à bords à de graves risques de maltraitances et de tortures, une fois que leur bateau a été intercepté sur la frontière Italienne. Il s’agissait d’une violation « des obligations de non-refoulement ». La cours européenne de justice a recommandé de revoir et annuler les directives des opérations FRONTEX. La question des principes de non refoulement a suscité beaucoup de controverses et certains états membres ont exprimé beaucoup de velléités à adopter les opérations FRONTEX, comme par exemple l’état Maltais.
Le déploiement de tels outils de surveillances, semble avoir mis plus l’accent sur la prévention d’arrivé des migrants (interception de bateaux) que les opérations de sauvetages et de recherche. En 2008, le parlement européen a été très concerné par les directives de FRONTEX, en matière de sauvetage en haute mer et surtout leur non-conformité aux standards internationaux des droits de l’Homme.
Ces opérations viennent entacher la vision démocratique et les accords ratifiés par les états membres en matière de droits fondamentaux. La rigidité et la complexité des mesures et barrières de sécurité n’a fait que dégrader la situation et pousser les migrants à emprunter des nouvelles routes plus périlleuses, d’après, Antonio Gueterres (2008) du Haut Commissariat des Nation Unies pour les réfugiés, les conséquences de ces mesures vont retentir sur le flux migratoire, les migrants en recherche de protection vont recourir de plus en plus au service de trafiquants et de passeurs pour franchir les frontières
La Tunisie entame une nouvelle phase dans sa transition démocratique et esquisse de nouvelles approches pour la révision des ses accords et politiques préétablis (avant le 14 Janvier) avec les pays voisins. Certes que l’ancienne approche politique du voisinage entre l’UE et la Tunisie était essentiellement axé sur une approche purement sécuritaire et manquait aussi de transparence, doublé d’une absence totale de lois sur l’asile en Tunisie. Dans ce climat, les autorités tunisiennes font l’amalgame entre migrants et réfugiés. Le gouvernement tunisien considérait les ressortissants des pays tiers, comme des migrants économiques. Les anciens accord d’association contenait une condition démocratique pour les pays tiers dont l’adhésion est écartée, puisque l’offre de « nouvelles perspectives d’intégration économique (est faite) en contrepartie de leurs progrès concrets dans le respect des valeurs communes et la mise en œuvre effective de réformes politiques, économiques et institutionnelles, notamment dans l’alignement de leur législation sur l’acquis communautaire. »
L’adhésion de la Tunisie à la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés n’assure pas une protection adéquate aux demandeurs d’asile en l’absence d’une loi organisant la question. L’approche sécuritaire seule s’est avérée inefficace et l’expérience migratoire après le 14 Janvier témoigne de l’échec d’une telle politique: à la suite de la fuite du Président déchu et en l’espace de 5 mois (de janvier à juin 2011) quelque 25800 migrants tunisiens seraient arrivés en Italie, sur l’Ile de Lampedusa.
En effet, aborder le sujet de la politique migratoire de la Tunisie, en 2012, après ce qu’a expérimenté le pays durant la révolution, demeure une question épineuse, vu les divergences des optiques et des points de vues de part et d’autres de la méditerranée. La Tunisie était un important pôle de départ des flux migratoires vers l’Europe.
La conférence Internationale « Quelles politiques migratoires pour la Tunisie », organisée par CeTuMa, remet ce débat sur la table et l’aborde en impliquant à la fois décideurs du gouvernement tunisien et européen, la société civile et les experts. Cette conférence a dressé un cadre préliminaire pour aborder la question dans ce nouveau contexte transitionnel.
CeTuMa est organisation non gouvernementale tunisienne, présidée par Hassen Boubakri. Elle s’est lancée dans ce défi en collaboration avec le Bureau de Heinrich Böll-Tunisie et a organisé le 11et le 12 Octobre 2012, deux riches journées afin de réunir autour d’un tel sujet à la fois les chercheurs, mais aussi les représentants des Ministères tunisiens concernés par le phénomène migratoire ( Ministère des affaires étrangères, Ministère de la justice, Ministère de la formation professionnelle et de l’emploi, Ministère de la coopération internationale, Secrétariat d’Etat à la migration et aux Tunisiens à l’étranger des représentants des agences nationales et offices concernés par la migration et des gouvernement des pays, des représentants de certains gouvernements européens concernés par le phénomène migratoire des Tunisiens ( représentants des gouvernements italien et français les représentants de l’Union européenne, du Parlement européen, des organisations internationales ( en particulier le HCR, l’OIT et l’OIM), des organisations de la Société civile en Tunisie (Le Forum tunisien des Droits économiques- FTDES, Le Centre de Tunis pour la Migration et l’Asile- CETUMA, La Fédération des Tunisiens citoyens des deux rives-FTCR, l’Association des Tunisiens et des Tunisiennes de Suisse- ATTS, le Commitato Immigrati Tunisini in Italia-CITII des organisations syndicales (l’UGTT) etc.
Références consultées :
(2) « Borderline: the EU’s New Border Surveillance Initiatives, Assessing the costs and fundamental Rights implications of EUROSUR and «Smart Borders» Proposals»
(3) Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, L’Europe élargie-voisinage : un nouveau cadre pour les relations avec nos voisins de l’EST et du Sud, Bruxelles, 11 mars 2003, COM (2003) 104 final
(4) http://www.unhcr.fr/4d7f8fcac.html
(5) « Compréhension des migrations irrégulières et des flux mixtes en Afrique du Nord, regard à partir de la Tunisie », Rapport UNHCR, Tunis office, mars 2010, p. 90
(6) Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, L’Europe élargie-voisinage : un nouveau cadre pour les relations avec nos voisins de l’EST et du Sud, Bruxelles, 11 mars 2003, COM (2003) 104 final.