Des solutions au mauvais bout de la chaîne

Atlas du Plastique

On ne manque ni d’accords ni d’initiatives pour gérer la crise du plastique, mais toutes les mesures ou presque concernent uniquement l’élimination des déchets. De plus, elles ne sont pas coordonnées et déchargent les fabricants de leurs responsabilités.

Il existe différents niveaux d’approches destinées à réglementer la production de plastique et le traitement des déchets qui en résultent au terme de la durée de vie des produits, mais elles ont toutes en commun d’être d’une efficacité limitée. C’est en partie lié à l’absence de coordination entre un grand nombre d’accords internationaux contraignants et d’initiatives volontaires, qui ont été élaborés séparément. Mais cela vient également du fait que la plupart des accords existants réduisent le problème des plastiques à la question des déchets, ce qui empêche que soient abordés tous les aspects de l’utilisation de ce matériau.

La liste est longue des accords dont nous nous sommes dotés. Citons tout d’abord la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL), qui a été signée dans les années 1970 pour empêcher que les océans ne servent de déversoirs, et la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), qui date de 1982 et réglemente elle aussi le rejet de déchets dans les océans. Il existe en outre 18 autres conventions portant sur 12 mers régionales : certaines traitent des sources marines de déchets plastiques, d’autres s’intéressent avant tout aux sources terrestres, et d’autres encore se préoccupent des deux. Un autre traité, la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, interdit l’utilisation de certaines substances chimiques nocives comme les plastifiants dans la fabrication des plastiques. Certaines conventions internationales sont ambitieuses, mais toutes sont tellement ciblées qu’elles peinent à être pleinement efficaces.

Les mesures diffèrent grandement d’un pays à l’autre : en Amérique du Nord, les microplastiques sont réglementés, tandis qu’en Afrique et en Asie, de nombreux pays ont interdit les sacs plastiques.

Certains accords conclus plus récemment tentent d’adopter une approche holistique des déchets marins. Le langage utilisé dans les plans d’action du G7 et du G20 sur le sujet, ainsi que la résolution adoptée en décembre 2017 lors de la troisième session de l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement (UNEA-3) donnent au moins à penser que la volonté d’agir est là, même si aucun de ces accords n’est contraignant pour les États membres signataires.

On note toutefois certains progrès, même s’ils sont lents. Il a ainsi été décidé lors de l’UNEA-4 de mars 2019 qu’un groupe d’experts proposerait des actions dans la droite ligne de la résolution adoptée, ce qui pourrait conduire à la signature d’une convention internationale contraignante sur le plastique, inscrirait les objectifs de réduction à l’échelle de la planète dans le droit international et ferait peser une responsabilité sur les États qui ne s’emploieraient pas à les atteindre.

Dans le même temps, en mai 2019, les parties à la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination ont adopté une réglementation plus stricte en matière de déchets plastiques. Une nouvelle classification entend en effet garantir que ceux qui sont dangereux et contaminés ne pourront être expédiés qu’avec l’accord conjoint du pays exportateur et du pays importateur. Il deviendra ainsi plus difficile de s’en débarrasser dans les pays qui ont des normes environnementales moins sévères.


L’Allemagne et le Danemark ont imposé une taxe sur les sacs plastique au début des années 1990. De leur côté, les pays en développement se montrent plus restrictifs depuis 2004.

En janvier 2018, la Commission européenne a proposé une stratégie autour de trois grandes problématiques. Premièrement, les faibles taux de recyclage et de réutilisation. Deuxièmement, la pénétration des plastiques dans l’environnement. Troisièmement, les émissions de dioxyde de carbone au stade de la production. L’un des objectifs centraux de cette stratégie est d’atteindre 100 % d’emballages plastiques entièrement recyclables d’ici 2030. En décembre 2018, le Conseil, le Parlement et la Commission, c’est-à-dire les trois organes de décision de l’Union européenne, ont décidé d’interdire divers articles plastiques à usage unique comme les pailles et les couverts. Ils ont également approuvé d’autres mesures comme l’introduction d’un quota de 25 % de matériau recyclé dans les bouteilles en PET à partir de 2025. L’interdiction des articles en plastique à usage unique constitue un tournant, car avec les États-Unis, le Japon et la Chine, l’Union européenne est l’un des plus gros producteurs de déchets plastiques au monde.

Au niveau national, les approches se limitent souvent à la collecte et au recyclage des déchets. Le concept de « responsabilité élargie du producteur » (REP) concerne avant tout cette partie du cycle de vie des plastiques. Depuis 1991, les fabricants d’emballages allemands doivent financer l’élimination et le recyclage des déchets d’emballages dans le cadre d’un dispositif de tri des déchets baptisé « Grüne Punkt » ou « point vert ». En Allemagne, la présence du logo sur les emballages plastiques indique au consommateur que le produit peut être recyclé contrairement à la France, où ce symbole induit le consommateur en erreur puisqu’il n’indique pas la recyclabilité du déchet – il atteste simplement que l’entreprise productrice a payé une contribution à un éco-organisme.

Un nombre croissant de pays tentent de réduire l’utilisation d’objets en plastique, comme les sacs, en imposant des interdictions ou des lois. Mais celles-ci sont le plus souvent trop ciblées. Elles stipulent par exemple l’épaisseur du matériau dont le sac doit être fait, si bien que seuls certains d’entre eux sont effectivement interdits, ou elles imposent des taxes sur ces articles. Les interdictions de portée plus générale sont essentiellement le fait de pays de l’hémisphère sud où les autorités sont tenues d’agir, car les sacs plastiques bouchent les réseaux d’assainissement ; c’est notamment le cas en Inde et au Bangladesh. Mais en l’absence de solutions alternatives bon marché et viables, un marché noir risque de voir le jour.

Plusieurs pays ont tenté de légiférer sur l’inclusion de microplastiques dans les produits cosmétiques et sur l’utilisation d’articles jetables comme les boîtes en polystyrène ou les couverts. Certains pionniers, comme le Costa Rica ou l’Inde, essaient d’interdire tous les plastiques jetables.

Toutefois, aucune de ces approches ne s’attaque à la source du problème. La plupart des réglementations ciblent l’élimination des déchets, c’est-à-dire la fin du cycle de vie des produits, et rejettent la responsabilité sur les consommateurs. Il existe très peu de lois exigeant des fabricants qu’ils réduisent leur production ou qu’ils élaborent des produits qui puissent être recyclés plus facilement. Aucune des réglementations actuelles ne vise la majorité des plastiques ou microplastiques qui migrent dans l’environnement. Le problème de l’abrasion des pneus de voitures, par exemple, n’est pas abordé. Or selon les estimations, il représenterait un tiers de toutes les émissions de microplastique en Allemagne.