Mettre fin au plastique ! Que préconise le concept ‘’du berceau au berceau’’ est le titre que nous avons choisi pour notre Green Lecture, cherchant à réétudier notre dépendance aux plastiques. Cette invention révolutionnaire et cette matière miraculeuse qui a permis de simplifier un bon nombre de pratiques humaines. Toutefois, aujourd’hui, nous souffrons de l’envers de ce produit miracle face à son recyclage difficile et très limité en Tunisie comme dans plusieurs autres pays. Sans omettre de mentionner les différents types d’impacts environnementaux et sanitaires suite aux effets de certains de leurs composants souvent toxiques voire cancérigènes.
‘’Nous ne devons pas penser à réduire la pollution…mais plutôt à réinventer les choses’’.
C’est avec ces mots que le chimiste et visionnaire allemand, le Pr. Michael Braungart a choisi d’expliquer au public, comme attendu, venu en nombre, le concept qu’il a développé au début des années 2000 de concert avec l’architecte américain William Mc Donough et auquel il a attribué le nom de ‘’Cradle to Cradle’’ ce qui correspond à la formule ‘’du berceau au berceau’’ en français.
Invité pour une Green Lecture par notre Fondation dans le cadre du programme Policies of the Future, Pr. Braungart a mis en exergue les maux originels de notre société ayant trait à la pollution. Selon ses propos, plutôt que de cerner le problème autour de la gestion des déchets et de leur recyclage, il faudrait tout repenser, de la composition à la fabrication des produits que nous utilisons. En effet, la majorité des articles dont nous nous servons sont conçus pour être utilisables dans des périodes déterminés, suite à quoi, ils sont jetés sous la forme de ‘’déchets’’ sans la mise au point d’un plan préalablement conçu de récupération ou de valorisation. Ce cercle vicieux où les objets se trouvent tout bonnement jetés aux orties est ce que l’on désigne désormais ‘’du berceau à la tombe’’. Aucun doute qu’il s’agit d’un incontestable système défectueux. Partant de cette métaphore, la tombe serait considérée comme l’endroit où s’entasseraient nos déchets, que l’on pourrait assimiler à une décharge, à un incinérateur ou des écosystèmes terrestres ou marins dénaturés et agressés, sans omettre de relever la dégradation des espaces publics dans les zones urbaines et rurales où nous avons pris l’habitude en Tunisie de croiser des paysages écœurants à cause entre autres de la prolifération malsaine des articles en plastique.
‘’Devenir moins mauvais, ne vous rend pas bon’’
Couper moins d’arbres ou bien produire moins de sacs en plastique ne permet que de traiter en partie le vrai problème. Ainsi, minimiser notre impact et notre empreinte écologique ne fait que retarder le problème, sachant qu’en parallèle, nous continuons à produire en abondance des produits dont leur durée d’utilisation est assez souvent limitée à quelques minutes. La raison pour laquelle ils ont été conçus se justifie pour la plupart des cas par le fait de procurer plus de facilité, de plaisir, de confort et de bien-être. Bien évidemment, tout cela au détriment de la nature et de ses richesses.
L’affaire n’étant pas donc un problème de pollution, mais de conception. Et si on avait réfléchi à cela dès le départ, il n’y aura pas de besoin de s’inquiéter des problématiques de déchets, de contamination ou d'autres conséquences parfois ingérables. Parce que selon le Pr. Braungart, une conception positive et innovante offrirait de l’abondance, une réutilisation infinie et aussi du plaisir.
Quelles solutions pour la Tunisie ?
Le concept ‘’du berceau au berceau’’ a été introduit dans notre Green Lecture comme étant un cadre pour notre discussion sur le contexte de la Tunisie qui souffre de la propagation affreuse et aberrante de la pollution, notamment celle due aux articles à base de plastique. En effet, selon le dernier rapport de diagnostique de la filière des sacs en plastique en Tunisie datant de Juin 2018, le tunisien utilise en moyenne 380 sachets à bretelles par an. Un chiffre qui devrait être revu à la baisse à travers un programme innovant. Le total de sacs est estimé à l’ordre de 4,2 milliards répartis entre production (3 milliards par an) et importation (1,2 milliards par an).
La même étude souligne que le secteur des industriels est conscient de la nécessité de se reconvertir vers un autre produit pour substituer aux sacs en plastique, ce dernier qualifié comme étant un produit tout simplement polluant.
A vrai dire, rien n’est jusqu’à présent confirmé au sujet de la reconversion des producteurs des sacs en plastique. Ce qui est affirmé, c’est qu’une telle opération va nécessiter un délai entre 12 et 18 mois minimum pour les industriels. Un processus conditionné principalement par les sources de financement. Sur ce sujet, notre invité à la conférence, M. Sami Ben Ammar, vice-président de la chambre des producteurs de plastique à l’UTICA a expliqué qu’il reste difficile de demander aux industriels et aux investisseurs de se tourner vers d’autres produits alternatifs aux plastiques pour remplacer ceux qu’ils produisent actuellement. Il a aussi ajouté que la taxe de protection de l’environnement de 5% au profit du fonds de dépollution ciblant les fabricants et les importateurs de matières premières en plastique est déjà très élevée et qu’il faudrait la revoir. Pour rappelle, ce pourcentage était de l’ordre de 2,5% en 2003.
Ce que les industriels ont raté dans leur réflexion, c’est que pour remédier aux problèmes que provoque l’utilisation des produits et plastiques, en l’occurrence les sachets à bretelles, il y a un certain coût à payer et les industriels en tant que producteurs de cette matière doivent y contribuer.
Derrière la production de masse des produits en plastiques, il y a une nécessité urgente de mettre en place un programme fiable pour la récupération et la valorisation du plastique. Le programme public de collecte et de valorisation des emballages usagés, ECO-Lef, créé en 2001 et sous la tutelle de l’Agence Nationale de Gestion des Déchets (ANGeD) a bien démarré au début des années 2000 selon ce que nous a expliqué M. Badreddine Lasmar, Directeur Général de l'ANGeD. Le système a donc atteint son pic en 2009 avec une quantité collectée avoisinant les 15 700 tonnes sachant qu’en 2017 cette quantité à atteint seulement 5400 tonnes. Le déclin que connait le système ECO-Lef confirmé par les chiffres déjà communiqués et la courbe de production décroissante, justifient l’utilité de revoir certains aspects de système afin de la dynamiser, notamment sa gouvernance.
L’éducation a été sujet de débat lors de la Green Lecture, notamment à travers l’intervention de Mme Samia Gharbi, enseignante, présidente de l’Association AEEFG et experte en environnement qui a insisté sur le rôle de l’éducation dans l’instauration de le culture de protection de l’environnement et du sauvegarde des écosystèmes.
Mettre au point les informations des enseignants est un défi de taille, a également ajouté Mme Gharbi, convaincue qu’il est important que les enseignants soient au courant des innovations et des progrès enregistrés à l’échelle internationale, ce qui permettrait de les transférer aux élèves. Le concept ‘’Cradle du Cradle’’ en est un bon exemple.
Mettre fin au plastique ! Que préconise le concept ‘’du berceau au berceau’’ est le titre que nous avons choisi pour notre Green Lecture, cherchant à réétudier notre dépendance aux plastiques. Cette invention révolutionnaire et cette matière miraculeuse qui a permis de simplifier un bon nombre de pratiques humaines. Toutefois, aujourd’hui, nous souffrons de l’envers de ce produit miracle face à son recyclage difficile et très limité en Tunisie comme dans plusieurs autres pays. Sans omettre de mentionner les différents types d’impacts environnementaux et sanitaires suite aux effets de certains de leurs composants souvent toxiques voire cancérigènes.
Dans cette optique, le Pr. Braungart n’a pas manqué d’inviter les participants à la Green Lecture à redéfinir leurs modèles de conception et à choisir leur propre chemin vers moins de pollution et plus de réflexion et de l’innovation autour des produits conçus. Il a même fait appel aux jeunes chercheurs de s’intéresser davantage au concept ‘’cradle to cradle’’ avec une invitation ouverte de rejoindre son équipe en Allemagne afin de contribuer au développement d’idées innovantes qui seront bénéfiques pour la Tunisie.
Le public composé de profils variés, chercheurs, enseignants, experts en la matière, étudiants, élus et bien évidemment des représentants d’associations de la société civile, n’a pas hésité à réagir à la présentation de Pr. Braungart et aux propos des panélistes. Nombreux d’entre eux ont d’ailleurs manifesté leur mécontentement face à la situation délicate de gestion de déchets en Tunisie amplifiée par un caractère laxiste de la part des autorités responsables, tout en argumentant sur les opportunités que procurerait les programmes de valorisation des déchets, notamment la création d’emplois. De même, certains commentaires étaient orientés vers le besoin de plus de coordination entre institutions gouvernementales, société civile et corps éducatif. Une conjugaison qui selon le public devrait être bonifiée nécessairement par une vision claire et une stratégie bien définie. Les intervenants espèrent que la mise en application de la stratégie permettrait de mettre un terme à cette pollution provoquée par le plastique ou bien au moins la limiter.
Ce que nous pouvons retenir de la conférence, c’est que le recyclage permettra certainement de réduire la pollution mais pas de l’éradiquer. Le problème réside donc dans la conception et la fabrication des produits. Une orientation que pourrait envisager la Tunisie sachant qu’elle limitera radicalement la pollution à base de plastique, protégera les écosystèmes et ouvrira des opportunités de labellisation de nos produits au moment où il y a un engouement mondial notable pour tout ce qui est bio et écologique, un marché très rentable. Par conséquent, une telle démarche ouvrira la porte à la filière des produits biodégradables. L’exemple qu’a partagé le Pr. Braungart avec la salle, c’est celui des tongs biodégradables certifiées C2C, précisant qu’environ 40 millions de tongs finissent chaque année dans les mers et les océans. Il a également demandé aux intéressés de le rejoindre pour lancer une compagnie qui produirait des tongs biodégradables destinées entre autres à l’exportation. Façon de dire qu’il faut toujours se doter de réflexions innovatrices et protectrices de l’environnement.
Notre Fondation va poursuivre son engagement contre le plastique et ses effets néfastes dans les mois qui viennent par le biais d’une étude sur la présence du plastique fragmenté en minuscules particules appelées microplastiques dans les plages tunisiennes. Un travail en cours de réalisation par deux étudiants tunisiens à l’Université de Rostock qui sera présenté bientôt.