Révolution et droits des personnes migrantes en Tunisie
La Tunisie est connue pour être un pays particulièrement rigoureux en matière de traitement légal des étrangers sur son sol. Sa législation régissant la condition des étrangers est marquée par une forte tendance nationaliste et protectionniste empreinte de méfiance vis-à-vis de l’autre. La révolution de 2011 a-t-elle, en la matière, opéré une rupture ou a-t-elle au contraire consacré une forme de continuité ? Au-delà des nombreux faits politiques et sociaux qui ont progressivement marqué la Tunisie postrévolutionnaire, il est nécessaire de s’interroger sur la continuité, voire la persistance des paradigmes du passé. L’analyse de Cyrine Mediouni s’inscrit dans cette démarche en tenant d’ouvrir quelques pistes d’investigation jonchées de paradoxes, de clivages et de questionnements. L’auteur considère, à cet égard, que la politique migratoire tunisienne est marquée par une certaine ambivalence dans la mesure où les droits des personnes migrantes dans la Tunisie postrévolutionnaire oscillent entre rupture et continuité. Rupture d’un côté puisqu’on peut faire état aujourd’hui de certaines avancées en faveur des personnes migrantes mais continuité de l’autre côté puisqu’en grande partie le droit des étrangers est resté inchangé. L’examen des nombreux décrets-lois et lois organiques, adoptés depuis 2011 jusqu’à aujourd’hui, portant sur l’élimination de toute discrimination raciale, la prévention et la lutte contre la traite des personnes, le respect des principes du procès équitable, le droit d’association, démontre que de véritables avancées ont eu lieu afin de renforcer les droits des étrangers en Tunisie. Toutefois, tels des bastions de résistance certaines lois ont échappé à tout mouvement de réforme témoignant de la sorte d’un législateur réfractaire au changement. C’est ce qui a fait dire à Jean-Pierre Cassarino que les progrès législatifs incontestables que le droit des étrangers a connu contrastent avec le besoin impérieux de consolider le droit d’asile en Tunisie et de permettre aux étrangers, présents sur le territoire national d’accéder au séjour régulier, au marché du travail, au regroupement familial et à d’autres droits civils et politiques que d’aucuns considèrent fondamentaux. Cette résistance au changement pourrait néanmoins trouver justification dans le fait que le législateur tunisien soit toujours tout autant hanté par le spectre de la colonisation et qu’il n’arrive pas à se défaire des stigmates et des traumatismes hérités de cette époque et ce plus de soixante ans après l’indépendance.
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Table of contents
Page 09: Introduction
Page 13: Premier chapitre: Les acquis juridiques de la révolution ou "la rupture par rapport à l'ancien"
Page 15: Les ajustements: une rupture timide
Page 17: L'innovation: une rupture franche
Page 23: Deuxième chapitre: Le statut quo, la continuité
Page 25: Les conditions de séjour
Page 30: L'accès des personnes migrantes au marché du travail
Page 34: Les droits sociaux et politiques du migrant, un outil d'intégration?
Page 47: Conclusion
Page 51: Bibliographie