A Madrid, la COP25 tente de redresser la barre des ambitions face à une société civile internationale en effervescence.

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Un quart de siècle de négociations. C’est le temps qu’ont pris les négociateurs.rices et les représentant.e.s des Parties signataires de la Convention des Nations Unies sur les Changements Climatiques depuis la première conférence sur le climat en 1995 jusqu’à ce jour. A Madrid, l'enjeu est de taille. Ca consiste essentiellement à augmenter les ambitions de réduction des émissions et finaliser les règles de l'Article 6 de l'Accord de Paris relatif aux marchés de carbone.

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Un quart de siècle de négociations. C’est le temps qu’ont pris les négociateurs.rices et les représentant.e.s des Parties signataires de la Convention des Nations Unies sur les Changements Climatiques depuis la première conférence sur le climat en 1995 jusqu’à ce jour. Le bilan se résume essentiellement en deux traités internationaux : le premier, juridiquement contraignant mais décevant en termes de résultats, on parle bien évidemment du Protocole de Kyoto. Quant au deuxième, il s’agit du fameux Accord de Paris, adopté en 2015, entré en vigueur en 2016 et ayant connu en 2018 la validation de la grande majorité du Paris Rulebook ou ce qu’on pourrait qualifier de feuille de route de l’Accord de Paris. Toutefois, cet Accord universel sur le climat conçu d’une manière sophistiquée qui puisse satisfaire à la fois les recommandations des pays en développement et les réticences des pays riches envers le changement de leur mode de développement, connait depuis son entrée en vigueur une série d’entraves remettant en cause le succès qu’il a connu en 2015 et l’objectif établit dans son article 2 en lien avec la limitation de l’augmentation de la température moyenne sur Terre à 2°C voire 1.5°C par rapport à l’ère pré-industrielle.

Délocalisation de la COP25 à Madrid

Depuis le lundi 2 décembre et jusqu’au 13 décembre 2019, les chefs d’Etats se réunissent de nouveau à Madrid dans un cadre très particulier qu’il est important de souligner car la COP25, annoncée initialement au Chili s’est trouvée délocalisée contre toute attente à Madrid, en maintenant la présidence chilienne de la COP.

Cette décision est survenu suite à l’annonce du président chilien Sebastián Piñera d’annuler la tenue de la COP dans son pays, cinq semaines avant la date prévue, justifiant cela par les protestations sociales continues sans évoquer bien évidemment la répression policière brutale. Ce rendez-vous international était censé entre autres de mettre en lumière le travail de la société civile, des communautés locales et des peuples autochtones dans la région de l’Amérique latine dans la mobilisation pour protéger leurs écosystèmes et leurs droits face aux impacts climatiques. Ce sont ainsi des mois de préparations anéantis. Pareil pour les messages et la voix de la société civile chilienne et d’une manière plus large, latino-américaine. 

Heureusement, tout n’est pas perdu car le Sommet Alternatif des Peuples à Santiago au Chili a finalement été maintenu et une connexion permanente sera assurée entre les militant.e.s et activistes latino-américain.e.s présent.e.s à la COP25 à Madrid d’un côté et la société civile chilienne à Santiago d’un autre.

 

Avant de se pencher sur les priorités de la COP et les attentes de la société civile internationale, il est fondamental de revenir sur l’origine des manifestations qui ont commencées au Chili et la décision de transférer la COP à Madrid. Contrairement au fait que les mobilisations à la capitale chilienne aient été présentés comme purement des soulèvements sociaux, les légitimes manifestations qui se poursuivent jusqu’à ce jour ont un lien direct avec la problématique climatique car ses origines ont tout simplement une dimension environnementale et plus précisément la privatisation et la politique de gestion des ressources naturelles au Chili. Il conviendrait ainsi de dire que la crise environnementale fait partie des préoccupations ayant déclenché les agitations sociales. Par conséquent, les deux aspects sont indissociables et sont toutes les deux, le résultat du système capitaliste à l’origine de la crise climatique et de l’aggravation des inégalités sociales.

D’ailleurs, les chilien.ne.s ne sont pas les seul.e.s à avoir manifesté. Des millions de personnes sont descendues durant les dernières semaines dans la rue à Hong Kong, Bolivie, Irak, Liban et Equateur pour réclamer leur droit à une meilleure vie et un respect des droits humains, ce qui justifie les liens profonds entre la justice sociale et la justice environnementale et climatique.

La COP européanisée

La tenue de la COP25 à Madrid fait qu’elle soit la quatrième en cinq ans organisée dans le continent européen depuis Lima en 2014 (COP20). En effet, l’euphorie de Paris ou l’esprit de Paris, a perdu de son élan et se trouve déboussolé au moment où les impacts du changement climatique se font ressentir quotidiennement. La voix et la position des pays développés dominent ainsi les pourparlers et atténuent les attentes des pays en de voie de développement et les pays les moins développés. La délocalisation de la COP25 à Madrid risque d’aggraver ce constat.

La priorité des priorités…sauver l’Accord de Paris d’un possible échec précoce

Si les mobilisations et les manifestations d’ordre environnementale et climatique ne cessent pas de se multiplier en Tunisie et partout dans le monde, c’est parce que les efforts et les engagements des Etats signataires de la Convention sont insuffisants pour atteindre l’objectif prédéfini dans l’article 2 dudit Accord. Face à cela, les slogans portés par les manifestant.e.s et les activistes réclament urgemment l’action climatique et l’augmentation des ambitions.

En effet, les efforts investis doivent être revus à la hausse, notamment pour les objectifs de réduction des émissions pour les gros émetteurs de gaz à effet de serre et leurs contributions financières au profit des pays fortement endommagés par les impacts.  Il est essentiel de rappeler les objectifs nationaux de réduction doivent être actualisés et rendus publics au plus tard en 2020.

Jusqu’à ce jour, il n’y a qu’un seul pays ayant partagé ses nouveaux engagements (up-dated NDC). Il s’agit en réalité des Iles Marshall qui leur contribution au pourcentage totale des émissions mondiales est insignifiante (moins de 1%). Par conséquent, ce qui est à suivre de près c’est plutôt les engagements des gros émetteurs, si jamais ils s’engagent d’une manière ambitieuse.

Un possible échec en matière d’augmentation des ambitions remettrait en cause l’utilité de l’Accord de Paris à résoudre la crise climatique mondiale.

 

En résumé, le respect de l'objectif de 2°C (voire 1,5°C) nécessite une accélération marquante de l'ambition pour la période allant jusqu'en 2030 et au-delà. Cela signifie aussi une amélioration collective de l'ambition guidée par les gros émetteurs qui devrait se traduit par une réduction de 50 % par rapport aux niveaux d'émissions de 2030 supposés selon les dernies calculs. Ce niveau d'ambition devrait faire partie des stratégies à long terme pour permettre des réductions durables des émissions au cours des décennies à venir.

Article 6 de l’Accord de Paris, ou l’interminable discussion sur le marché carbone

L’autre pièce manquante dans l’Accord de Paris très liée à la réduction des émissions et faisant aussi polémique c’est la question de commerce et d’échange de carbone (Article 6 de l’Accord de Paris).

Ce sujet complexe est en réalité l’un des rares points non-conclus l’année dernière lors de la COP24 à Katowice. Le marché du carbone est en fait important dans le volet de réduction d'émissions potentielles ainsi qu'en termes d'économie et de coûts qu'il peut générer. La moitié des objectifs nationaux incluent d’ailleurs l'utilisation de la coopération internationale par le biais du marché du carbone.

Si bien que le marché carbone peut contribuer à l’augmentation des ambitions et leur concrétisation, il existe un sérieux risque que la démarche ne soit pas faite de la manière que défend la société civile internationale et accroitre par conséquent les émissions mondiales. C’est pour cette raison que la discussion du marché carbone porte surtout sur les ‘’règles appropriées’’. Il s’agit essentiellement d’éviter le double comptage des pays qui vendent les crédits carbone et ceux qui en bénéficient pour réduire leurs émission. Si les règles de l'article 6 ne sont pas suffisamment strictes, les pays risquent d'être confrontés à des "incitations perverses" pour éviter d'augmenter leurs ambitions climatiques. Ils pourraient délibérément exclure une partie de leur économie de leurs contributions nationales, afin de pouvoir vendre les réductions d'émissions qui y sont liées sur le marché mondial à la place.

La question des Pertes et des Dommages revient en force à Madrid

Le dossier des pertes et dommages occupera également une place conséquente à Madrid où le Mécanisme de Varsovie devra répondre de manière tangible aux impacts climatiques dans le monde réel et de soutenir les personnes les plus touchées dans les pays en développement et les pays les plus vulnérables. Les prochains jours de négociations auront pour but d'examiner le rendement du Mécanisme de Varsovie sur les Pertes et les Dommages de décider de la façon dont il doit être améliorée et renforcée. Plusieurs pays africains critique le fait que ce mécanisme se focalise sur sa structure, sans pour autant mobiliser les financements nécessaires pour aider les plus pauvres et les plus vulnérables à éviter, minimiser et réparer les pertes et les dommages.

A suivre.