Gestion des déchets plastiques en Tunisie: Vers une responsabilité partagée

Atlas du Plastique

Le plastique, présent sous différentes classes de taille, représente une

menace imminente, voire mortelle pour la santé publique sur la faune et

la flore terrestre et marine. La bonne gestion des déchets plastiques, allant

e la production, la commercialisation, la consommation, la collecte,

jusqu’au recyclage, est liée obligatoirement à la politique économique,

l’aspect social et les mesures environnementaux du pays.

Cycles possibles des déchets sous forme d'emballages en Tunisie

La Tunisie a mis en place depuis 1993 un programme national de

gestion des déchets solides visant à mettre en oeuvre une stratégie

de gestion intégrée des déchets.



Depuis sa création, l’Agence Nationale de Gestion des Déchets

(ANGeD) a commencé par la réhabilitation des décharges sauvages,

la création de décharges contrôlées et le traitement des gaz émis et

du lixiviat.



Après la révolution, il y a eu une détérioration inquiétante de

la gestion des déchets dans les zones urbaines et rurales, comme en

témoigne la prolifération des points noirs, conséquence de la perturbation

de la majeure partie de la collecte des déchets, des infrastructures

du secteur et des filières de recyclage. Aujourd’hui, la Tunisie produit

plus de 2,8 millions de tonnes de déchets solides (9,4% de déchets

plastiques) dont 95% sont enfuis (selon ANGED). Actuellement, les 8

décharges en fonctionnement arrivent en fin de leur vie et nécessitent

des solutions alternatives, qui mettent l’accent sur la valorisation des déchets.

L’ANGeD assure actuellement la gestion d’un système public intitulé

“Eco-lef” qui consiste en la reprise et la valorisation des emballages

usagés et ce, conformément aux dispositions du décret n°97-1102

du 02 juin 1997 fixant les conditions et les modalités de reprise et de

gestion des sacs d’emballage et des emballages utilisés tel que modifié

par le décret n°2001-843 du 10 avril 2001.



Sur le plan pratique, le système consiste à encourager le secteur

privé à collecter les déchets d’emballages à travers la création de micro-

entreprises de collecte et à vendre les produits collectés à l’ANGeD.

La plupart des quantités sont collectées par les chiffonniers, communément

appelés « Barbéchas », à partir des ménages ou des décharges.

L’agence assure par la suite la distribution égale de ces quantités aux

recycleurs conventionnés avec le système à un prix subventionné. Les

conditions de vente et les prix sont consignés dans une convention

pour la collecte et le recyclage, établie entre les deux parties, c’està-

dire l’ANGeD et la société concernée. Suivant le type de polymère,

c’est-à-dire du plastique, 70 à 90% des déchets plastiques collectés sont

valorisés. Dans l’activité de recyclage des matières plastiques, le PET

(bouteilles transparentes et souples) est généralement collecté, nettoyé

et broyé sur place et exporté principalement vers la Turquie, et

quelques autres pays, comme le Vietnam. Quant au PEHD (bouchons

et bouteilles opaques), il est collecté, nettoyé, broyé et transformé en

matière première en Tunisie. Il convient de constater qu’en dehors des

grands principes énoncés par la loi, il n’existe pas actuellement de

stratégie claire en termes de développement de la filière, ni d’objectifs

concernant les résultats ou encore le taux de valorisation à atteindre.



Créé en 2001, Eco-lef est le premier système de gestion des emballages

dans la région MENA et parmi les premiers en Afrique. Le système

reposait sur une base légale et institutionnelle solide. Aujourd’hui,

et après vingt-trois ans d’activité, il est certain qu’il a contribué à la

création d’un nouveau secteur à la fois économique, social et

environnemental de premier ordre. Toutefois et malgré tous les acquis et

les efforts déployés, les performances et la gouvernance du système

actuel restent très limitées. Notamment, si en prend compte des infimes

quantités collectées alors que les emballages, surtout ceux en

plastique, continuent à envahir notre environnement à une vitesse

ahurissante.



Le système Eco-lef fait face à de nombreuses difficultés, qui se manifestent

non seulement par la diminution des quantités collectées,

mais également la réduction du nombre de recycleurs actifs et membres

d’Eco-lef. Il n’y en a aujourd’hui que seulement 70 institutions

réellement actives. Pareil pour le nombre de points de collecte Eco-lef,

nous sommes passés de 63 points en 2010 à seulement 45 en 2018,

Bien évidemment, l’écroulement n’a pas épargné les collecteurs

actifs et membres du système Eco-lef. En effet, il n’en reste que 180

selon les calculs de 2018, alors qu’il y en avait 230 en 2010.

Actuellement, le financement du système Eco-lef est assuré par

une contribution volontaire de quelques producteurs et par l’appui du

fonds de dépollution FODEP à travers la taxe de 5% du chiffre d’affaire

des producteurs à l’importation (financement sur la base des quantités

collectés et des activités chaque année). Il est aussi important de noter

que les producteurs d’emballages contractuels, autrement dit par contrat

d’adhésion avec l’agence, ne sont pas obligés de payer un montant

bien déterminé, puisqu’il s’agit d’une contribution volontaire, surtout

en l’absence de moyens pour le contrôle. De plus, le paiement n’est

pas suffisamment flexible en fonction des besoins des collecteurs et

des recycleurs, et du prix des matériaux.



Les difficultés organisationnelles sont principalement causées

par l’absence de tri sélectif à l’endroit où les déchets sont produits.

Pire, les 8000 collecteurs informels ou « Barbéchas » selon le rapport de

l’ANGeD, ne sont pas impliqués officiellement dans le système malgré

le rôle important qu’ils jouent, en collectant plus de 80% des déchets

recyclables.



Dans le même contexte, nous constatons que le consommateur

n’est pas impliqué, et qu’il n’assume donc pas une responsabilité.

D’autre part, l’activité de collecte dans le cadre d’Eco-lef ne concerne

que les matériaux ayant une valeur (prix positif du marché) tels

que les bouteilles de boissons en PET, PEHD, etc. Alors que les autres

types d’emballages restent non collectés vue l’absence d’infrastructure

adéquate. D’ailleurs, aucune incitation à l’innovation ou à développer

l’industrie du recyclage n’a été faite en Tunisie. Un grand nombre de

points Eco-lef ont connu une dégradation des équipements, alors que

d’autres centres ont été récupérés par les municipalités concernées

sans proposer des alternatives.



Dans le cadre du concept actuel en Tunisie, on ne relève pas l’absence

d’une vue d’ensemble de ce qui est collecté ou même que des

données précises et crédibles sur les emballages mis sur le marché

Tunisien.



Le secteur privé est également actif en dehors d’Eco-lef et prospecte

de nouveaux circuits de collecte et aspire à développer l’industrie

du recyclage et de valorisation du plastique.



Ces activités sont considérées aussi formelles, mais représentent

une concurrence pour le système. Malheureusement, il n’existe pas

de chiffres exacts sur les quantités de plastiques collectées par le privé.

Le système Eco-lef a besoin actuellement d’être actualisé et optimisé

pour suivre l’évolution des nouveaux systèmes de la responsabilité

élargie du producteur (REP) appliqués dans les pays développés

dans le monde.



Dans le cadre de la REP, les fabricants, les distributeurs des produits

de leurs propres marques et les importateurs qui mettent sur le marché

des produits générant des déchets, doivent prendre en charge l’organisation

et le financement de leurs déchets d’emballages à travers

un éco-organisme.



De même, la REP représente une chance pour le marché de

la collecte et du recyclage en Tunisie, ainsi que pour la prévention

des déchets à la source à travers l’amélioration de la conception des

produits d’emballages vers des produits plus recyclables. Le système

appuiera les efforts municipaux en terme de gestion des déchets et

réduira considérablement les coûts de collecte et de traitement.

A l’échelle mondiale, il devient très fréquent que des villes prennent

des décisions strictes vis-à-vis du plastique à usage unique.

En Tunisie, le cadre favorable de la décentralisation devrait impulser

une véritable bataille qui soit menée par les municipalités

contre le plastique. En effet, l’autorité locale peut désormais lancer

des initiatives participatives pour réduire, trier et valoriser les déchets

plastiques. Elle peut meme commencer à interdire quelques types de

plastique à travers la planification de programmes convenables et vise

le changement à long terme.