Pour faire face aux effets du changement climatique, l'adaptation figure parmi les actions fondamentales à entreprendre. Cependant, il s'est avéré selon les expériences passées que lorsque les mesures d'adaptation ne tiennent pas compte des principes des droits humains, cela risque d'affecter négativement les populations concernées que de les protéger.
Ainsi, les gouvernements devraient intégrer les droits humains et l'égalité sociale dans les plans nationaux d'adaptation et les différentes autres politiques d'adaptation. (Rédigé par Nidhal Attia, Wafa Hmadi et Emna Fourati)
Plus de 500 000 personnes ont manifesté vendredi dernier à Madrid en marge de la première semaine de la COP25. Il conviendrait mieux de dire les manifestations puisqu’en même temps, des manifestants ont occupé les rues à la capitale chilienne Santiago, où la COP était initialement prévue et aurait dû avoir lieu.
De même, des manifestations ont eu lieu tout au long de l’année menées par les jeunes du mouvement Fridays For Future, en réponse à l’appel de la jeune suédoise Greta Thunberg.
Les réclamations de la société civile internationale étaient claires, augmenter les efforts de réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre et accentuer l’action climatique dont fait partie le volet d’adaptation aux effets du changement climatique. Cela ne voudrait pas dire que tout projet d’adaptation est avantageux, puisque le ‘’comment’’ importe beaucoup.
La justice climatique et l’action climatique impliquent de réagir rapidement à la crise, notamment en renforçant les mesures de maintien et de préservation des écosystèmes et des ressources pour les générations actuelles et futures et à ce que ces mesures permettent de répondre aux besoins de toutes les populations vulnérables. La gouvernance de l’adaptation impose ainsi l’équité intergénérationnelle. Pour cela, il faudrait que les politiques misent en œuvre ou planifiées puissent connecter l’action de l’adaptation avec les droits des communautés vulnérables et nécessiteuses.
Se doter d’un Plan National d’Adaptation (NAP) inclusif
Le processus de développement d’un Plan National d’Adaptation (NAP) vise à intégrer l’adaptation aux changements climatiques dans la planification du développement et la budgétisation aux niveaux national, sectoriel et communal. Son but ultime est la réduction de la vulnérabilité du pays aux impacts climatiques à moyen et à long terme.
Selon l’Accord de Paris et au regard de la vulnérabilité de la Tunisie, nous sommes contraints de soumettre au plus tard en 2020, notre premier NAP. Certes, actuellement, il n'y en a que 17 NAP soumis. Toutefois, cela ne devrait pas nous décourager ou nous empêcher d’être parmi les pionniers d’incorporer les principes de droits humains, la dimension genre, l’aspect développement durable et droits des générations futures, au vu encore une fois de la situation particulièrement fragile de notre territoire sur plusieurs niveaux et touchant nombreux secteurs.
Un dialogue devrait être mené avec les expert.e.s tunisien.nes, les universitaires, les activistes les conseils municipaux et les populations locales. Il serait également opportun de se concerter avec les pays africains ou autres ayant déjà soumis leurs NAP pour mettre à profit leurs compétences sur les lacunes et les besoins dans la formulation des NAP.
Dans ce contexte, le NAP Global Network a accompagné plusieurs pays africains à élaborer et mettre en œuvre leurs NAP d’une manière qui tienne compte de l’aspect genre.
Le processus de concertation autour de l’élaboration du NAP de la Tunisie devrait être inclusif et impliquer les groupes vulnérables, en particulier les personnes à mobilité réduite, les personnes âgées, les enfants et les jeunes.
C’est ainsi que le processus de préparation et de mise en ouvre du NAP sera plus juste en intégrant les droits humains et l'égalité sociale, l’égalité entre les sexes, l'égalité économique, les personnes à mobilité réduite, le bien-être humain, les besoins ruraux et autres facteurs sociaux comme les migrations.
Le volet genre au cœur des droits humains
La mise en œuvre de mesures d'adaptation n'apportera pas nécessairement des avantages à tous les membres de la société, et ce qui constitue une adaptation efficace diffère selon la perspective. Trop souvent, la définition des résultats ne tient pas compte du point de vue des femmes et d'autres groupes dont les membres du les voix sont exclues.
Il est également inutile de trop mettre l'accent sur les mesures quantitatives du succès, parce qu'elle peut masquer la dynamique sociale et les processus de changement, et la façon dont ceux-ci réduisent ou non la vulnérabilité au changement climatique. Examen de la qui bénéficie des investissements dans l'adaptation, ainsi que les raisons pour lesquelles certaines personnes sont laissées de côté, peuvent contribuer à éviter d'exacerber les inégalités existantes et à améliorer l'équité dans les résultats.
Plus droit à l’erreur dans l’intégration des droits humains dans notre NDC (actualisée)
Pour faire court, notre Contribution Déterminée au Plan National (NDC) de 2015 n’intègre rien sur les droits humains, ni sur le principe de genre sachant que cette dimension est fondamentale dans l’efficacité des projets à mettre en œuvre.
Certes, seulement trois pays ont réservé une section dans leurs NDC consacrée aux droits humains qui sont : le Costa Rica, le Venezuela et le Malawi. Mais, ca reste important pour la Tunisie de défendre sans concessions et ses acquis et accomplissement en matière de droits humains arrachés après des combats houleux.
Dans le même contexte, onze pays ont incorporé explicitement les principes de droits humains dans leurs NDC, ce qui devrait aussi nous inspirer, non pas par suivisme mais par conviction que c’est la démarche idéale pour permettre aux citoyen.nes de profiter équitablement des mesures d’adaptation.
La version actualisée de la NDC pourrait être le premier exercice de l’Instance Constitutionnelle de Développement Durable et des Droits des Générations Futures qui, si bien qu’elle ait un rôle consultatif, ses prérogatives lui permettent d’examiner les textes de lois et dans notre cas le plan national d’adaptation surtout s’il ne s’alignera pas avec les principes de développement durable, dont le respect des droits humains et le facteur genre.
L’Education des enfants comme levier de renforcement des capacités autour de l’adaptation
L'éducation et l’ensemble des connaissances actuelles sur l'adaptation au changement climatique en Tunisie, n'atteignent pas encore le large public, ni les communautés qui seront les plus touchées par ce phénomène. Les enfants et les jeunes d'aujourd'hui ne sont pas seulement parmi les groupes les plus vulnérables, mais aussi ceux qui vivront dans un avenir proche marqué par le changement climatique. Il reste beaucoup à faire face au système éducatif tunisien pour aider les jeunes et les enfants à devenir résilients de façon holistique.
Notre gouvernement devrait encourager l'éducation formelle et non formelle en matière d'adaptation au changement climatique. De nouveaux modules portant sur l'éducation au changement climatique et à l'adaptation devraient être intégrés dans les programmes nationaux d'enseignement, et la priorité devrait être accordée au renforcement des capacités des jeunes à participer à la vie de l'école.
Pour mettre en pratique les connaissances acquises, les jeunes ont besoin d'un environnement favorable. Cela signifie avoir les bonnes politiques en place pour faciliter la contribution des jeunes à la création, à la mise en œuvre et à l'examen des stratégies d'adaptation aux changements climatiques.
Ce constat inclut, sans s'y limiter, leur contribution légitime aux processus et politiques de haut niveau. Cela ne serait possible qu’avec la participation des jeunes à l'apprentissage, au partage et à l'élaboration de pratiques d'adaptation.
Finalement, les jeunes devraient avoir la même chance que les autres groupes de parties prenantes de s'exprimer, de partager leurs expériences et d'y participer activement.
Dans de nombreux cas, on demande aux jeunes de partager leur opinion de manière symbolique. Cette pratique doit cesser et plutôt mettre l'accent sur l'encouragement de la participation des jeunes. Ainsi, les jeunes pourront influencer directement la prise de décision à tous les niveaux. En ce qui concerne les mesures d'adaptation, cela signifie que les jeunes ne doivent pas seulement être en tant que groupe vulnérable ou bénéficiaire de projets d'adaptation, mais aussi en tant que partenaire à part entière.
L’une des actions qui pourrait veiller et pousser en faveur de la traduction effective des droits humains dans la politique tunisienne d’adaptation serait de désigner deux points de contact issus de l’administration et de la société civile qui auront pour principale mission de croiser les principes universels des droits humains avec les projets, plans et stratégies d’adaptation en Tunisie.